- Les particules d’usure de pneus sont une source majeure de microplastiques dans l’eau.
- Elles libèrent des substances chimiques toxiques, comme le 6PPD-quinone, dangereuses pour la faune aquatique.
- Le manque de normes freine leur détection et leur régulation.
Elles sont invisibles à l'œil nu mais omniprésentes dans notre environnement : les particules d'usure de pneus, appelées TWP (Tire Wear Particles), pourraient bien constituer une menace insidieuse pour les écosystèmes terrestres et aquatiques. Dans une étude à paraitre dans la revue Regional Studies in Marine Science, des chercheurs tirent la sonnette d’alarme sur leur toxicité et leur difficulté de détection.
Des microparticules en provenance de nos routes
Chaque année, environ 2,26 millions de tonnes de TWP seraient libérées dans l'environnement, soit près de 28 % des microplastiques globaux. Ces particules proviennent de l'abrasion des pneus par le frottement sur les routes, avant d'être dispersées dans l'air ou lessivées vers les eaux par les pluies. "Les TWP s'accumulent dans les décharges et pénètrent les systèmes aquatiques par retombées atmosphériques et ruissellements", peut-on lire dans l'étude.
Au-delà de leur présence physique, les particules d’usure des pneux libèrent des additifs chimiques à fort potentiel toxique. Un exemple frappant : le 6PPD, un antioxydant couramment utilisé dans les pneus, se transforme en 6PPD-quinone, un composé hautement toxique. Identifié grâce à la méthode EDA (Effect-Directed Analysis), ce produit de transformation a été impliqué dans des cas de mortalité massive de saumons Coho en Amérique du Nord, selon une autre étude de 2020.
Malgré l'ampleur du phénomène, les données restent fragmentaires, notamment dans les pays en développement. "Il n'existe toujours pas de protocole standardisé pour le prélèvement, l'isolation et l'analyse des TWP", regrettent les auteurs. Une absence de méthodologie qui complique les comparaisons internationales et la mesure réelle de la pollution.
Des solutions encore imparfaites
Le recyclage ou la pyrolyse des pneus usagés apparaissent comme des alternatives, mais elles présentent aussi des risques. Le recyclage peut engendrer des lixiviats toxiques, tandis que la pyrolyse, qui consiste à décomposer et traiter les déchets de caoutchouc à très haute température, libère des émissions dangereuses. "La faisabilité environnementale de ces stratégies reste débattue", souligne l’étude.
Pour mieux cerner les risques, les chercheurs insistent sur l'urgence de développer des techniques d'analyse spécifiques aux TWP et de renforcer les réglementations. Selon eux, la lutte contre cette pollution invisible passe aussi par l'innovation dans la conception des pneus, l'amélioration des revêtements routiers et une meilleure gestion des eaux pluviales.


