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Droit des brevets des médicaments

Afrique du Sud : le bras de fer entre l'Etat et les laboratoires

Par Audrey Vaugrente

Le ministre de la Santé sud-africain a entamé un bras de fer avec l’industrie pharmaceutique pou rendre accessible au plus grans nombre les médicaments, notamment contre le sida.

Aaron Motsoaledi, ministre sud-africain de la Santé, en compagnie d'Hillary Clinton (Jacquelyn Martin/AP/SIPA)
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« Génocidaire » et « de dimension satanique » : c’est ainsi que le ministre sud-africain de la Santé, Aaron Motsoaledi, décrit ce 17 janvier le lobbying des industriels pharmaceutiques contre son projet de réforme du droit des brevets. « Je n’utilise pas de termes forts, j’utilise des termes justes. Ceci est un génocide. Ce document peut condamner à mort beaucoup de Sud-Africains, » a-t-il déclaré à l’hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian.

 

Un réforme pour les génériques

La réforme que porte Aaron Motsoaledi veut faciliter la fabrication de médicaments génériques. Le système actuel permet aux entreprises du médicament de multiplier les demandes de brevets sur simple motif d’innovation. Les laboratoires protègent ainsi les nouvelles versions d’un même médicament, vendu à un prix élevé. Les autres entreprises ne peuvent donc pas produit de médicaments génériques, moins chers et plus accessibles. La réforme, qui devrait être finalisée d’ici deux ou trois ans, mettrait fin à ces pratiques.

 

Le ministre de la Santé d’Afrique du Sud espère ainsi ouvrir le marché des génériques, notamment pour le sida. L’objectif principal est de faciliter l’accès à moindre coût aux traitements antirétroviraux. La mesure profiterait à environ 6,4 millions de séropositifs dans le pays. Elle devrait aussi permettre un meilleur remboursement des traitements du cancer et de la tuberculose.

 

Un lobbying intense est prévu

Mais les industriels pharmaceutiques ne comptent pas se laisser faire. Dans un document de 9 pages, que s’est procuré Mail & Guardian, le lobbying auquel ils comptent se livrer est clairement détaillé. On y apprend qu’ils se sont associés à Ipasa, qui représente les filiales sud-africaines des principaux laboratoires internationaux. L’association aurait embauché la société américaine Public Affairs Engagement, spécialisée dans le lobbying, et bénéficierait de financements américains.

 

Ipasa n’a pas démenti cette information, et compte étudier « diverses stratégies de communication. » Le ministre Motsoaledi ne voit pas les choses du même œil. Il anticipe un complot qui vise à tourner la société contre le gouvernement. « Ils veulent prouver aux patients que le manque d’accès aux médicaments n’a rien à voir avec la propriété intellectuelle mais avec l’incompétence du gouvernement, » précise-t-il.