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Nalméfène

Dépendance à l'alcool : un nouveau médicament réservé à l'hôpital ?

Par Mathias Germain

Un médicament contre l'alcoolodépendance, le nalméfène, sera bientôt disponible. Mais, seuls les spécialistes hospitaliers pourraient le prescrire, ce qui révoltent les généralistes. 

Jitka Horazna/AP/SIPA

La prise en charge de la dépendance à l'alcool est en pleine révolution. Plusieurs nouveaux médicaments très prometteurs arrivent sur le marché. Une bonne nouvelle, qui pourrait être un peu ternie si l'accès à ces médicaments n'est pas facilitée. Le nalméfène, qui a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne, devrait être à la disposition des médecins hospitaliers spécialistes en alcoologie mais pas de la médecine de ville. La recommandation provient de la Direction générale de la santé (DGS) et de la commission de la transparence (Haute Autorité de Santé). « C’est parfaitement incompréhensible », a indiqué le Dr Claude Leicher, généraliste dans la Drôme et président du syndicat MG France. 


« Une honte ! »
« Quand je vois qu’une recommandation de la DGS contre l’avis de l’agence du médicament qui dit : « Un produit qui pourrait sortir pour la réduction de la consommation d’alcool devrait être réservé à des spécialistes en alcoologie (…) parce que les médecins généralistes ne peuvent pas faire d’accompagnement médico-social au plus près de ces patients, et donc qu’il ne faut pas leur donner la possibilité d’utiliser ces produits », je dis simplement qu’avoir ce genre de discours à la DGS quand on voit ce qu’ils ont fait pour la vaccination de la grippe A H1N1 en 2009… J’aurais honte et je me mettrais sous la table » a déclaré le Dr Leicher, qui s’exprimait lors d’un colloque « Alcool et parcours de soins ».


Pour ce médecin, la prise en charge de l’alcoolodépendance ne relève pas seulement des centres spécialisés, mais aussi, et d’abord, du premier recours des soins primaires. « Environ 5 millions de patients ont une consommation à risque, dont 1,5 à 2 millions sont dans une situation de dépendance. Si vous comparez avec d’autres maladies chroniques comme le diabète, on est à peu près dans les mêmes chiffres », a expliqué le Dr Claude Leicher. « On est dans un problème de santé publique populationnel. On n’est pas dans un problème qui peut être pris en charge par les quelques services d’alcoologie ou les services en psychiatrie, ou les services qui font des sevrages ». 


La majorité des malades ne vont pas à l'hôpital
Le président de MG France qui milite pour que les pouvoirs publics réinvestissent dans la médecine générale, au moyen de la « Stratégie nationale de santé », a interpelé Marisol Touraine. « Arrêtez ce genre de délire institutionnel qui consiste à dire, sur un problème de santé aussi important, qu’on va réserver la prescription d’un médicament à des gens qui voient à peu près 150 000 malades qui fréquentent des centres spécialisés alors que tous les autres sont dans la nature et que nous, généralistes, nous devons nous en occuper. » Une décision d’autant plus incompréhensible que les généralistes ont depuis octobre dernier l’autorisation de prescrire du baclofène hors AMM, pour aider au sevrage alcoolique. Pendant un temps, il avait été envisagé, là aussi, de réserver cette prescription aux seuls spécialistes.

Le nalméfène, commercialisé sous le nom de Selincro, est indiqué dans la réduction de la consommation d'alcool chez les patients adultes dépendants avec une consommation à haut risque, ne présentant pas de symptômes de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat. La consommation "à haut risque" est définie ainsi : plus de 60 g d'alcool par jour chez l'homme et 40 g/jour chez la femme, soit, par exemple, plus de 6 et 4 verres de vin par jour. Le nalméfène est un modulateur des récepteurs aux opioïdes qui agit sur la structure cérébrale de la récompense, mécanisme dérégulé chez les personnes alcooliques. Ainsi, il permet de réduire l’envie irrépressible de boire. Le laboratoire Lundbeck qui le commercialise, signale que « dans les essais cliniques, ce médicament a réduit de près de 60 % la consommation d’alcool après six mois de traitement. »