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Maladie rare

Hypoparathyroïdie : "La dernière maladie endocrinienne qui n'a pas d'hormone de remplacement"

Par Thierry Borsa

C'est une maladie qui toucherait 16.000 personnes en France et plus de 100.000 en Europe dont 80% de femmes. Sur l'hypoparathyroïdie, le regard de Thierry Abribat, neuro-endocrinologue et président d'une biotech spécialisée dans les maladies endocriniennes.

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- Pourquoi Docteur : C’est aujourd’hui la Journée Internationale de l’hypoparathyroïdie. Quelle est cette maladie ?

Thierry Abribat : C’est une maladie endocrinienne qui est rare et qui est due à un déficit en parathormone, une hormone qui est sécrétée par de petites glandes de la taille d’un grain de riz et qui sont situées autour de la thyroïde.

La plupart du temps, chez environ 75% des patients, l’hypoparathyroïdie intervient après une chirurgie de la thyroïde, notamment après une ablation de la thyroïde pour traiter un cancer.

En enlevant cette glande, il arrive en effet que l’on endommage les glandes parathyroïdes ou qu'elles soient privées de leur vascularisation.

- Mais toutes les interventions sur la thyroïde ne provoquent pas une hypoparathyroïdie …

Pour les patients qui ont subi une chirurgie, il est relativement fréquent qu'ils aient immédiatement après une insuffisance en sécrétion de la parathormone mais la plupart du temps, la situation redevient spontanément normale. Dans 2 ou 3% des cas, au bout de six mois, on est amené à faire le diagnostic d’hypoparathyroïdie chronique.

Les patients sont guéris de leur cancer de la thyroïde mais se retrouvent avec une incapacité à secréter cette parathormone qui est essentielle au métabolisme du calcium dans l’organisme.

- Quelles sont les autres causes de cette maladie ?

Chez les autres patients, environ 25%, cela peut être une cause génétique ou la conséquence d’une maladie auto-immune qui génère des anticorps contre les glandes parathyroïdiennes.

- Quels en sont les symptômes ?

Les symptômes, ce sont toutes les conséquences d’être privé de cette hormone qui joue un rôle essentiel dans la régulation de la calcémie. Donc ces personnes se retrouvent en hypocalcémie qui se traite en supplémentation orale en calcium et en vitamine D. Mais ce n’est pas satisfaisant parce que ces traitements font monter la calcémie sur l’instant mais elle redescend très rapidement.

Ces fluctuations de calcémie sont associées à des symptômes qui peuvent être très sévères : le calcium est essentiel à la fonction musculaire, à la fonction nerveuse, donc ce sont des patients qui ont des douleurs musculaires quasi-constantes qui peuvent être très intenses, ils ont des crises de tétanie, ils ont des fourmillements et en plus de tout cela ils ont ce que les médecins appellent le brouillard du cerveau, ils sont dans un état de confusion mentale constante avec des troubles de mémoire et des problèmes de concentration, mais surtout ils souffrent d’une fatigue énorme.

- Ce que vous décrivez présente l’hypoparathyroïdie comme une maladie très handicapante. Vous le confirmez ?

Les personnes atteintes ont en effet des vies qui sont très impactées par la maladie, au niveau professionnel, au niveau de la vie familiale, des interactions sociales. Et pourtant, quand vous les voyez, ils ont l’air normaux ! Les gens autour ne comprennent pas et ne réagissent pas forcément de la bonne façon en disant parfois qu’il s’agit d’effets de la paresse !

- Ces symptômes se retrouvent, au moins pour certains, dans d’autres maladies. Y a-t-il un risque d’errance diagnostique dans l’hypoparathyroïdie ?

Aujourd’hui, cela fait partie du protocole post-opératoire dans l’ablation de la thyroïde de suivre la calcémie. On sait que cette intervention présente un risque d’hypoparathyroïdie. Donc 75% des patients devraient être bien diagnostiqués. Mais ceux chez lesquels l’hypoparathyroïdie est une maladie auto-immune, ce ne sont pas forcément des symptômes caractéristiques.

Et il est pourtant d’autant plus important que le diagnostic soit bien posé qu’au-delà des symptômes, il y a aussi des complications médicales. Cette hormone régule non seulement le calcium dans le sang mais également le calcium dans les urines pour qu’il n’y ait pas d’accumulation. Donc il y a un risque aggravé par la supplémentation en calcium d’apparition de calculs et que cela évolue en insuffisance rénale chronique.

Par ailleurs, 80% des patients sont des femmes et 50% des femmes ménopausées. Et comme un rôle important de la parathormone est aussi de réguler le métabolisme osseux, cela aboutit à ce que ces femmes aient des os de moins bonne qualité ce qui aggrave les conséquences de l’ostéoporose liée à la ménopause.

- Quels sont les traitements, au-delà de la supplémentation en calcium, pour cette maladie ?

Aujourd’hui tous les patients sont traités avec des supplémentations en calcium et en vitamine D. Mais ces personnes n’ont en fait pas un problème de calcium mais un problème d’hormone ! Donc le traitement devrait être un remplacement hormonal. C’est la dernière maladie endocrinienne qui n’a pas d’hormone de remplacement.

Il y a eu une tentative entre 2015 et 2020 mais cela n’était pas très efficace et de toute façon pas disponible en France pour cette raison. Le besoin est donc de développer une thérapie de remplacement de la parathormone et de la mettre à la disposition des malades.

Nous, qui sommes une biotech spécialisée en maladies rares endocriniennes, nous faisons partie des acteurs qui développons un produit comme celui-là avec un programme assez avancé qui repose sur une parathormone de synthèse. Nous avons eu des résultats de phase 2 très encourageants puisqu’ils montrent qu'en passant à une supplémentation discontinue on parvient à maintenir une calcémie normale. Mais il s’agit bien d’un produit en cours de développement qui n’est pas approuvé par les autorités de santé et nous ne voulons pas donner de faux espoirs aux patients.