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Prématurité

En prématurité, les exploits ont un prix

Par Camille Sabourin

Kwek Yu Xuan pesait seulement 212 grammes à sa naissance, ce qui fait d’elle, parmi les enfants prématurés ayant survécu, « le plus petit bébé du monde ». Toutefois, la grande prématurité a un prix pour l’avenir de l’enfant.

by sonmez / iStock
Kwek Yu Xuan est née à 25 semaines, un record. Elle fait partie des "très grands prématurés".
La prématurité "moyenne" correspond à une naissance intervenant entre la 32e et la 36e semaine d’aménorrhée révolue (7 à 8 mois de grossesse), la "grande prématurité" correspondant à une naissance intervenant entre la 28e et la 32e SA (6 à 7 mois de grossesse), et la "très grande prématurité" pour les naissances avant 28 semaines, soit en deçà de 6 mois de grossesse.

Kwek Yu Xuan est une petite fille née au bout de 25 semaines de grossesse, à Singapour, le 9 juin 2020. La majorité des bébés naissent entre 39 et 41 semaines. Hospitalisée les 13 premiers mois de sa vie en soins intensifs à l’Hôpital universitaire national, elle est aujourd’hui tirée d’affaire et a pu enfin rentrer chez elle...

Grande prématurité : elle concerne 1 à 2 % des naissances

L’homme le plus grand, ou le plus poilu du monde, s’ils font sourire, côtoient malheureusement en médecine des records beaucoup moins « médicalement » drôles. En particulier, on nous a toujours présenté le plus petit prématuré du monde comme une victoire de la médecine moderne. Même si ce qui suit va me valoir probablement une bordée de lettres pas très tendres, il y a longtemps que de très grands services de médecine consacrés à la prématurité ont abandonné la chasse à ce type de records. On pourrait sans doute descendre au-delà des 212 grammes affichés par des médecins de Singapour. Mais ces batailles ont souvent un prix terrible à payer qui est très dépendant du poids et de la taille à la naissance.

La grande prématurité se définit comme un accouchement avant 32 semaines – 25 semaines dans le cas du bébé record. Elle concerne 1 à 2 % des grossesses, et – ce qui préoccupe les médecins – est en constante augmentation. Bien évidemment, celle-ci n’est pas liée à une quelconque dégradation de notre atmosphère, comme certains l’imaginent, mais plutôt aux progrès spectaculaires de la médecine : la fécondation in vitro, qui a augmenté le nombre de grossesses multiples, et surtout, grâce à la surveillance accrue de la maman et de son fœtus qui permet de détecter plus rapidement la souffrance du bébé dans le ventre de sa mère et de déclencher prématurément l’accouchement.

Taux de mortalité à la naissance à moins de 6 pour 1.000 dans les pays riches

On a longtemps mesuré le degré d’évolution d’une civilisation d’un pays par la diminution du taux de mortalité à la naissance, passant de chiffres dramatiques – toujours la règle dans les pays pauvres – à moins de 6 pour 1 000 dans les pays d’Europe du nord. On sait aujourd’hui que ce seuil ne devrait pas être franchi, car toutes les grossesses ne sont pas viables et la nature sait parfaitement rejeter les œufs anormaux.

Toutefois, les progrès les plus notables ont été ceux de la réanimation, qui a su faire passer à ces bébés condamnés les 3 à 6 mois critiques pendant lesquels le poids redevient compatible avec une vie sans machine, mais avec un prix à payer – handicap mental ou physique. Par exemple, une étude américaine montre que 43 % de très grands prématurés doivent suivre un enseignement assisté.