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Moins de sel, plus d'énergie

L' agroalimentaire soigne notre assiette

Par Mathias Germain

Près d'un nouveau produit alimentaire sur deux serait bon pour notre santé. Mais pour afficher ces promesses, l'industrie agro-alimentaire devra, à l'avenir, le prouver. 

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Des yaourts qui favorisent le transit intestinal, de la margarine anticholestérol ou des biscuits minceur… Les industriels rivalisent d'ingéniosité pour préserver notre capital santé. Ils profitent de la volonté des pouvoirs publics de lutter contre certains fléaux, comme l'obésité ou les maladies cardio-vasculaires. « Des boissons vous promettent même de retrouver une vigueur sexuelle, s'indigne le Dr Jean-Michel Borys, endocrinologue et nutritionniste, qui a visité le dernier salon international de l'agroalimentaire (SIAL 2008).

« Quatre innovations sur dix dans l'industrie alimentaire portent sur des produits pour améliorer la forme et la santé », constate Olivier Hausheer, directeur associé de XTC, une agence de conseil spécialisée sur ce secteur économique. En 2006, le marché de ces boissons et aliments fonctionnels représente 55 milliards de dollars en Europe et aux Etats-Unis. La progression est telle qu'en 2010, ce chiffre devrait tripler. « Les industriels adoptent plusieurs stratégies, explique Olivier Hausheer. Premièrement, ils multiplient les produits avec des « promesses sans » : sans conservateur, sans colorant artificiel, sans acide gras trans, sans allergènes… Deuxièmement, ils développent des aliments enrichis en oméga 3, en fibres, ou en calcium ».


Les industriels ont senti le filon. Les partenariats entre santé et agroalimentaire deviennent la règle. Coca-Cola, Nestlé travaillent en collaboration avec des sociétés de biotechnologies, notamment dans le domaine des probiotiques, ces bactéries censées renforcer les défenses de l'organisme. Danone travaille depuis dix ans avec le Massachussetts Institute of Technology (Boston, Etats-Unis) sur une boisson enrichie en nutriments (SouvenaidTM) censés améliorer les fonctions cognitives. Le groupe français espère que ce futur produit aura une action positive chez les patients atteints d'Alzheimer.

Cette nouvelle demande pousse certains sous-traitants du secteur santé à se reconvertir dans l'alimentaire. C'est le cas de Naturalpha, une société lilloise spécialisée dans les essais cliniques pour les laboratoires pharmaceutiques (Solvay, Pfizer), qui compte maintenant parmi ses clients des fabricants d'ingrédients, mais aussi des grands noms de l'agroalimentaire.  « La nouvelle réglementation européenne sur les allégations santé nécessite une approche scientifique pour apporter la preuve de l'effet santé, souligne Jean-François Mouney, président de Naturalpha.
La preuve de l'efficacité est d'abord testé en laboratoire, in vitro et in vivo. Ensuite, des études cliniques sont lancées chez l'homme ». Désormais, une étude clinique doit être déposée auprès de l'agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Depuis la réforme de 2007, l'agence a reçu 220 dossiers. 90 % d'entre eux concernent des allégations liées au développement de l'enfant, 10 % des allégations relatives à une réduction de risques de maladie. Jusqu'à présent, l'EFSA a rendu 7 avis. Un seul est favorable.


40 % des produits affichent leur teneur en sodium

Les innovations de l'agroalimentaire contribuent-elles à améliorer l'état de santé de la population ? Pour la France, l'Afssa et  l'Institut national de la consommation ont récemment montré que les industriels peinaient à accompagner les objectifs du programme national nutrition santé (PNNS). Pendant 5 ans, la teneur en sel de 357 produits a été étudiée. Seuls 40 % des produits affichent une teneur en sodium. « C'est l'histoire de la bouteille à moitié vide et à moitié pleine, résume le Pr Serge Hercberg, directeur de recherche à l'Inserm et initiateur du PNNS. Le secteur des soupes, ou celui des céréales de petit déjeuner, ont réalisé de gros efforts. Des baisses de moins 20 % ont été enregistrées. Mais les secteurs de la charcuterie et de la boulangerie ne progressent pas ».

Les baguettes traditionnelles contiennent encore 22 g de sel par kg de farine. Le PNNS a notamment pour objectif de réduire la consommation moyenne de sel à moins de 8 g par jour et par personne. Le Pr Serge Hercberg souligne l'effort d'industriels qui ont signé « des chartes d'engagements auprès de la direction générale de la santé ». Jusqu'à présent, 6 chartes ont été signées. Par exemple, le groupe Casino s'est engagé à retravailler, d'ici 2010, 740 produits de sa marque afin qu'ils aient moins de sel, moins de matière grasse et moins de sucres simples ajoutés.
Mais comment suivre les efforts réalisés par les industriels ? Un observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI), qui regroupe les expertises de l'Afssa et de l'Inra, a été inauguré cet année. « Nous allons suivre de façon précise l'évolution de la composition nutritionnelle des produits présents dans les magasins, annonce Bernard Chavassus-au-Louis, biologiste et président de l'OQALI. Nous constaterons aussi si les efforts faits profitent à la majorité de la population et pas seulement à ceux qui ont les moyens d'acheter des margarines trois à quatre fois plus chères ».

« Les travaux de l'observatoire complètent ce que fait l'Afssa depuis dix ans, comme les études INCA », note Jean-Luc Volatier, responsable du pôle d'appui scientifique à la direction de l'évaluation des risques nutritionnels et sanitaires. Il rappelle en outre l'existence de la table CIQUAL à disposition de tous les professionnels de santé. « C'est une banque de données, accessible par Internet, qui permet de connaître la composition en macronutriments de 1500 aliments ».

L'OQALI présentera les premiers résultats de ses analyses au printemps 2009. Cet observatoire, sous la tutelle des ministères de la Santé, de l'Agriculture et de l'Economie, dispose d'un budget annuel de 900 000 euros. Il fonctionne sur un partenariat entre les scientifiques et les industriels qui apporteront une partie des données. «Les industriels ont aussi besoin de l'analyse de l'OQALI, car chaque secteur ne posséde pas de vision globale de l'évolution nutrionnelle », estime Cécile Rauzy, représentante de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA). « C'est un effort de transparence inédit, souligne Charles Pernin, représentant d'une association de consommateur (CLCV), mais ne nous voilons pas la face, il n'existe aucune sanction pour les industriels qui ne respectent pas les objectifs du PNNS. »