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Sras-Cov-2

Covid-19 : pourquoi les enfants sont préservés des formes graves

Par Mathilde Debry

Depuis le début de la crise sanitaire, la grande majorité des enfants sont épargnés par les formes graves de la Covid-19. On vient de comprendre pourquoi. 

Drazen Zigic / istock.
L’immunité innée est la réponse immédiate qui survient localement, au point d’entrée d’un microorganisme pathogène, chez tout individu, et ce même en l’absence d’un contact antérieur avec ce microorganisme.
L’immunité adaptative est une réponse qui mettra 5 à 7 jours avant d’être protectrice, lorsque le pathogène est rencontré pour la première fois (primo-infection) mais sera efficace plus rapidement lorsque le pathogène a déjà été rencontré (on parle de réponse mémoire).

Pourquoi les enfants sont-ils moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes ? Des chercheurs français viennent de dégager des éléments de réponse. Leurs travaux, publiés dans la revue Frontiers in Immunology, ont notamment démontré que la réponse immunitaire innée n’est pas la même selon l’âge des patients.

Pas de présélection

Pour ce faire, ils ont analysé les prélèvements nasopharyngés de 226 personnes venues réaliser un test PCR dans un centre de dépistage "drive" au CHU d’Angers, de mars 2020 à mars 2021.  Parmi ces individus, 147 étaient infectés par le SARS-CoV-2. "L’originalité de nos travaux est de ne pas avoir présélectionné les participants, pour ne pas biaiser les résultats, mais aussi de nous intéresser à l’immunité innée, et plus précisément à la réponse interféron", souligne Yves Delneste, un chercheur de l’Inserm ayant participé à cette étude.

Lorsque des cellules sont infectées par un virus quel qu’il soit, elles produisent rapidement des interférons (IFN) de type I (IFN-α/β) et de type III (IFN-l), qui sont de puissantes molécules antivirales naturelles. On les appelle interférons car elles "interfèrent" avec la réplication du virus et protègent les cellules voisines de l’infection. Ces interférons ont tous une activité antivirale, mais leurs modes d’action ne sont pas redondants. En effet, chacun induit une réponse antivirale d’intensité et de durée différente et agit de façon distincte mais complémentaire sur la réponse immunitaire.

L’analyse des échantillons étudiés par l’équipe de recherche révèle que, chez les sujets infectés par le SARS-CoV-2, les profils d’expression des interférons de type I (IFN- α/β) et de type III (IFN-l) diffèrent avec l’âge. Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans ont une expression accrue d’interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d’action locale, qui contrôlent le virus au niveau de son point d’entrée (dans la muqueuse nasopharyngée). À l’inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, expriment préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l’organisme).

"Contrôler l’infection au point d’entrée"

"Ces résultats contribuent à expliquer pourquoi les enfants seraient moins sujets aux formes critiques de Covid-19 que les adultes. Les interférons de type III, qui agissent principalement en protégeant localement l’épithélium, pourraient contrôler l’infection au point d’entrée, sans induire d’inflammation excessive généralisée, et éviter ainsi un glissement vers la tempête inflammatoire avec une destruction cellulaire massive que l’on voit dans les formes graves", soulignent Pascale Jeannin (professeure des universités et praticien hospitalier) et Dominique Couez (professeure des universités), qui ont dirigé ces travaux.

En s’appuyant sur ces résultats, les scientifiques vont désormais mener une étude prospective pour évaluer si, chez les enfants qui présentent des signes cliniques de la maladie, les caractéristiques de la réponse interféron associée aux formes graves chez l’adulte sont présentes et si elles peuvent permettre de prédire l’évolution de l’infection.