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Mémoire

Les premiers souvenirs remontent à l’âge de 2 ans et demi

Par Jean-Guillaume Bayard

En essayant de se rappeler du premier souvenir, l’humain a tendance à mal le dater et à l’estimer plus tard que le moment où il s’est déroulé.

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MOTS-CLÉS :
En vieillissant nous avons tendance à faire reculer la date de survenue de nos premiers souvenirs.
C'est l'effet télescope : plus un souvenir est éloigné, plus l'effet télescopique vous le fait voir de plus près.

Il est souvent compliqué de dater exactement son premier souvenir et d’en rapporter des détails précis. Cela est tout à fait normal à en croire les conclusions d’une nouvelle étude parue le 6 mai dans la revue Memory. “Lorsque le premier souvenir survient, il s'agit d'une cible mouvante plutôt que d'un simple souvenir statique”, assure Carole Peterson, experte en amnésie infantile à l’université canadienne Memorial de Terre-Neuve et autrice principale. Avec son équipe de chercheurs, elle estime qu’en moyenne les premiers souvenirs dont les gens se souviennent remontent à l'âge de deux ans et demi. 

Les premiers souvenirs mal datés

Les chercheurs assurent que “les gens se souviennent de beaucoup de choses dès l'âge de deux ans, sans s’en rendre compte”. Lorsque l’on interroge quelqu’un sur ses premiers souvenirs, celui-ci ne va pas fournir une limite ou un moment avant lequel il n'y a pas de souvenirs. “Au contraire, il semble y avoir un pool de souvenirs potentiels que les adultes et les enfants échantillonnent”, avance Carole Peterson. 

Selon l’étude, il y a deux raisons à cela. “Premièrement, il est très facile d'amener les gens à se souvenir de faits antérieurs simplement en leur demandant quel est leur premier souvenir, puis en leur demandant quelques autres. Ensuite, ils commencent à se rappeler des souvenirs encore plus anciens, a constaté la chercheuse. Deuxièmement, nous avons documenté que ces premiers souvenirs sont systématiquement mal datés. Encore et encore, nous constatons que les gens pensent qu'ils étaient plus âgés qu'ils ne l'étaient en réalité dans leurs premiers souvenirs.”

En grandissant, on déplace les souvenirs

Pour la recherche, les scientifiques ont passé en revue dix articles réalisés par Carole Peterson qui a mené pendant plus de 20 ans des études sur la mémoire, avec un accent particulier sur la capacité des enfants et des adultes à se souvenir de leurs premières années. Ils ont également analysé des données publiées et non publiées recueillies dans le laboratoire du Dr Peterson depuis 1999. Au total, cela a inclus 992 participants et les souvenirs de 697 d’entre eux ont été comparés à ceux de leurs parents

Les résultats ont révélé que les premiers souvenirs des enfants sont antérieurs au moment où ils pensent que cela s'est produit. Au cours de l’une des recherches étudiées, les participants ont dû rapporter le même souvenir à deux et huit ans d’intervalle. Les entretiens ont montré qu’avec le temps, les volontaires ont donné un âge plus avancé quant au moment où ils se sont produits. “Huit ans plus tard, beaucoup pensaient qu'ils avaient une année entière de plus. Ainsi, les enfants, en vieillissant, continuent de se déplacer jusqu'à l'âge qu'ils pensaient avoir au moment de ces premiers souvenirs”, estime le Dr Peterson.

L’effet télescope

Pour la chercheuse, ce décalage est le résultat de l’effet “télescope” dans la datation de la mémoire. “Quand vous regardez des choses qui se sont passées il y a longtemps, c'est comme regarder à travers une lentille, décrit-elle. Plus un souvenir est éloigné, plus l'effet télescopique vous le fait voir de plus près. Il s'avère que les personnes avancent leur premier souvenir survenu quand ils ont entre un an et environ trois ans et demi. Mais nous avons constaté que lorsque l'enfant ou l'adulte se souvient d’événements à partir de quatre ans, cela n'arrive pas.”

Pour aller plus loin, Carole Peterson souhaite avoir des dates externes confirmées ou documentées de manière indépendante pour les comparer aux souvenirs des personnes qui participent à ses études. “Cela empêcherait les erreurs de télescopage et les erreurs potentielles de datation par les parents”, conclut-elle.