ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Covid-19 : la mutation du virus va-t-elle s’arrêter un jour ?

Variants

Covid-19 : la mutation du virus va-t-elle s’arrêter un jour ?

Par Mégane Fleury

La mutation des virus est un phénomène naturel. Il est possible que ce processus  s’interrompe de lui-même ... ou que le SARS-CoV-2 s’adapte et que de nouveaux variants apparaissent. 

Maksim Tkachenko/istock
Le SARS-CoV-2 est un virus à ARN qui mute davantage que les virus à ARN
Ces mutations pourraient conduire le virus à un "goulot d'étranglement" à partir duquel il n'évoluerait plus
Dans un autre scénario, les mutations se poursuivraient sans que l'on sache si elles produiraient des variants plus ou moins contagieux ou dangereux

Cela ressemble à un scénario catastrophe : quelques mois après le début de la pandémie mondiale, des variants du SARS-CoV-2 sont identifiés dans différents pays. Ils correspondent à une ou plusieurs mutations du virus historique. Ce processus n’est pas nouveau, c'est une évolution classique des virus. "Le Covid-19 est provoqué par un virus unique : le SARS-CoV-2, insiste le professeur Bruno Lina, chercheur au Centre international de recherche en infectiologie, dans un article du CNRS. Il évolue selon plusieurs lignées qui, après des modifications de leur génome (c’est-à-dire de leur matériel génétique, Ndlr), obtiennent parfois un avantage par rapport aux autres." C’est donc un virus identique, aux conséquences différentes : par exemple, le variant britannique est jugé plus contagieux que la souche historique du virus. Une étude récente estime qu’il serait 64% plus mortel. 

Cela pourrait être pire.. 

Le Covid-19 est un virus à ARN, ce qui veut dire que son génome est composé d’acide nucléique monocaténaire, il a une seule hélice, contrairement à l’ADN qui est bicaténaire et possède donc deux hélices. Les virus à ARN ne disposent pas d’un mécanisme de correction : c’est-à-dire que lorsque leur génome se réplique, si des erreurs apparaissent, ils n’ont pas la possibilité de les corriger. Pour cette raison, ils ont tendance à muter plus souvent que les virus à ADN. Or, les coronavirus disposent justement d’un mécanisme de correction, ce qui réduit les risques de mutations. L’article du CNRS précise qu’en moyenne, le nouveau coronavirus connaît deux mutations mensuelles, soit cent fois moins que le VIH. "Dans une cellule infectée, le génome du virus est répliqué grâce à une réaction chimique de polymérisation lors de laquelle les erreurs de copie peuvent apparaître, explique Isabelle Imbert professeure à Aix-Marseille Université et membre du laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques. En cas de problème, la polymérisation est ralentie grâce à deux petites protéines virales permettant le recrutement de l’exonucléase, une enzyme elle aussi codée par le virus. Capable de couper l’ARN, celle-ci “enlève” le mauvais nucléotide incorporé par erreur. (…) Sans cette série de réactions, les coronavirus muteraient vingt fois plus vite."

Vers la fin des mutations ? 

Les mutations actuelles inquiètent notamment à cause de leur contagiosité plus importante. "Le R0 (taux de reproduction du virus ndlr) des souches historiques est de 3, mais il atteint 4 pour les trois variants qui font l’actualité", indique Mircea Sofonea, maître de conférences à l’université de Montpellier, dans cette publication du CNRS. Les scientifiques soulèvent deux hypothèses sur le futur des variants. La première est liée à un constat : les variants britannique, sud-africain et brésilien partagent certaines caractéristiques. Tous les trois possèdent la mutation N501Y liée à la protéine Spike. "Si les mutations convergent ainsi vers les mêmes points chauds d’évolution, ce que la surveillance des lignées laisse présager, le virus pourrait finir par se trouver dans un véritable goulot d’étranglement : il n’aurait plus assez de marge de manœuvre pour produire de nouveaux variants et pour continuer de s’adapter aux humains, prédit Bruno Lina. La situation pourrait alors finir par se stabiliser." Le chercheur Samuel Alizon, directeur de recherche CNRS au laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs écologie, génétique, évolution et contrôle (Mivegec) est plus inquiet : "le champ des possibles a changé car les variants peuvent continuer à évoluer par mutation dans un paysage adaptatif qui nous est, pour le moment, inconnu."

Quelle immunité face aux variants ?

L’immunité face à ces variants fait aussi partie des inconnues. "Les modèles épidémiologiques suggèrent qu’une fois la population immunisée, les épidémies causées par ce virus pourraient être bien moins mortelles et plus semblables aux coronavirus saisonniers qui nous infectent tous les hivers, précise le chercheur. Mais il est encore trop tôt pour savoir si cela se produirait et à quelle échéance, surtout avec l’inconnue de l’étendue de la capacité des variants à échapper à la réponse immunitaire tout en demeurant virulents." Dans Nature Medicine, une étude de l’Institut Pasteur montre justement que les anticorps, produits par le vaccin ou après une première contamination, sont moins efficaces contre le variant sud-africain. Les laboratoires Pfizer et BioNTech mènent actuellement des recherches pour étudier si une troisième dose de vaccin pourrait nous protéger de ces variants.