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Bonnes feuilles

Sidaction : quels sont les nouveaux enjeux de la lutte contre le VIH ?

Par Mathilde Debry

A l'occasion du Sidaction, Pourquoi Docteur publie les bonnes feuilles du livre "Une histoire de la lutte contre le sida" (Nouveau Monde Editions), d'Olivier Maurel et Michel Bourrelly (extrait 2/2).

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MOTS-CLÉS :

Trop souvent, le sida est diagnostiqué chez des personnes qui ignorent leur séropositivité et n’ont pas pu bénéficier d’une prise en charge adaptée. Ce retard au dépistage augmente le risque de maladie (la morbidité) et celui de mortalité. La meilleure illustration en est la fréquence de la pneumocystose qui, depuis 2009, représente près d’un tiers des pathologies inaugurales du sida. Or si la séropositivité au VIH est connue, il devient possible d’éviter non seulement la pneumocystose, mais aussi le risque de transmission du virus : en effet, la très grande majorité des nouvelles contaminations provient de personnes qui ne se savent pas infectées.

Deux objectifs doivent être donc être conjugués pour augmenter le nombre de personnes traitées et pour diminuer le nombre de cas de sida.

– Reprendre les campagnes d’information : avec la chronicisation du sida, parce que l’urgence semblait moindre et que les crédits sont comptés, les pouvoir publics ont réduit les efforts de prévention du sida et des infections sexuellement transmissible (IST). Par ailleurs, chez les personnes qui ont connu le pic de l’épidémie, la garde est baissée, souvent par lassitude ; chez les « millenials  » (nés entre 1980 et l’an 2000) ainsi que dans la génération Z (née après 2000), la prise de conscience est vague et le risque banalisé.

Nonobstant les ligues de vertu et de bien-pensance, il s’agit aujourd’hui d’adresser des messages clairs et ciblés aux personnes ayant des pratiques à risques, pour les inciter à protéger leurs rapports sexuels et à se faire dépister.

– Développer le dépistage : en complément des laboratoires d’analyse et des CeGIDD (centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic), le TROD (test rapide d’orientation diagnostique) permet désormais de toucher les gens au plus près de leurs lieux de vie, de travail ou de loisirs. Les professionnels de santé, et depuis 2009 les associations, peuvent ainsi mieux cibler les campagnes de dépistage et informer sur les risques d’ignorance de son statut sérologique, pour soi et pour autrui.

Au-delà des campagnes d’information et de dépistage, le défi actuel est de faire reconnaître et de mettre en oeuvre une approche de prévention dite combinée. En effet, il n’est pas réaliste de compter uniquement sur l’utilisation systématique du préservatif pour stopper la pandémie. Dès lors, outre le port de celui-ci, la prévention combinée permet d’articuler trois autres outils.

– Le TasP (treatment as prevention ou traitement comme prévention). Il y a un consensus mondial pour affirmer que les traitements actuels contre le VIH permettent de prévenir sa transmission lors de relations sexuelles. Concrètement, si une personne séropositive suit correctement son traitement, présente une charge virale indétectable et ne souffre pas d’autre IST, elle n’a que très peu de risque de transmettre le VIH. En 2010, les experts à l’origine du rapport Yeni évaluent ce risque à moins de 1 pour 10 000. En clair, la première stratégie de prévention contre le sida consiste à généraliser la couverture des traitements pour rendre la charge virale indétectable.

– La PrEP (pre-exposure prophylaxis  ou prophylaxie de pré-exposition). Cette méthode de prévention s’adresse aux personnes séronégatives majeures qui prennent régulièrement des risques face au VIH. Elle existe depuis 2012 aux États-Unis et depuis 2016 en France, où elle peut être remboursée selon certains critères. La PrEP est prescrite par un médecin attaché à un Centre de référence sida ou, depuis janvier 2021, par un médecin généraliste. Le traitement peut être pris soit en continu (un comprimé tous les jours à la même heure pendant une certaine période), soit à la demande (deux comprimés au minimum 2 heures et au maximum 24 heures avant le rapport sexuel sans protection, puis un comprimé le lendemain à la même heure et un autre 24 heures après). Un suivi médical est nécessaire, notamment pour vérifier qu’il n’y a pas eu contamination et traiter les éventuels effets secondaires.

– La PEP (post-exposition prophylaxis ou prophylaxie postexposition) ou traitement d’urgence. Il s’agit d’une trithérapie à prendre le plus tôt possible après une prise de risque, au mieux dans les 4 heures et au maximum sous 48 heures. Le traitement dure quatre semaines, avec une efficacité dans presque 100 % des cas. Proposée depuis 1997 par les urgences hospitalières et pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale, cette méthode de prévention de la contamination reste hélas très largement méconnue.

« U = U  » (undectable  = untransmissible ), autrement dit indétectable = intransmissible. C’est le slogan créé par le militant américain Bruce Richman. Il résume parfaitement l’équation qui est au coeur de la prévention combinée : connaître son statut sérologique pour être sous traitement le plus rapidement possible et avoir une charge indétectable, donc ne plus transmettre le virus. Techniquement, les traitements peuvent permettre d’atteindre les trois objectifs de l’ONUSIDA  d’ici 2030 : 95 % des personnes vivant avec le VIH sont diagnostiquées, 95 % des personnes diagnostiquées sont sous traitement et 95 % des patients sous traitement présentent une charge virale indétectable.

Pour en savoir plus, lisez : "Une histoire de la lutte contre le sida" (Nouveau Monde Editions), d'Olivier Maurel et Michel Bourrelly.