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Antibiotiques

Les voyageurs, plus vulnérables aux bactéries résistantes

Par Jean-Guillaume Bayard

Les touristes, notamment en Asie, Afrique et Amérique latine sont plus exposés aux bactéries résistantes aux antibiotiques qui peuvent survivre jusqu’à un an dans l’organisme et donc se transmettre une fois revenue.

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Un voyageur sur deux partis sous les Tropiques revient avec des bactéries résistantes aux médicaments.
Jusqu'à 80% des voyageurs revenant des régions à haut risque sont colonisés par des bactéries résistantes qu’ils peuvent conserver pendant un an dans leur organisme.

De retour de voyage, les touristes ne ramènent pas que des souvenirs. Une étude récente, parue le 15 août 2015 dans la revue Clinical Infectious Diseases, révèle qu’un voyageur sur deux partis sous les Tropiques revient avec des bactéries résistantes aux médicaments. Dans une nouvelle recherche, des scientifiques avancent que les globe-trotteurs sont particulièrement vulnérables aux souches virulentes de bactéries résistantes aux médicaments qu’ils attrapent au contact d’autres touristes. Ils ont présenté ces résultats le 23 février dans la revue The Lancet Microbe.

De courtes visites suffisent

La propagation des bactéries intestinales multi-résistantes à Gram négatif (MDR-GN) constitue une menace sérieuse pour la santé humaine dans le monde, comme E. coli et Klebsiella pneumoniae. “Les voyages internationaux sont étroitement liés à la propagation des bactéries MDR-GN, dont la transmission est la plus élevée en Inde et en Asie du Sud-Est, en Afrique et Amérique latine, dévoile Alan McNally, professeur en génomique évolutive microbienne à l'université de Birmingham et co-auteur principal de l'étude. La colonisation par la bactérie MDR-GN est un processus hautement dynamique. Nous avons constaté une ‘concurrence’ constante entre les souches en circulation acquises par des hôtes individuels et les bactéries ‘indigènes’ des voyageurs. Les voyageurs peuvent attraper la bactérie même lors de courtes visites et propager davantage les souches après être rentré à la maison.” Les voyageurs qui visitent les régions à haut risque courent un risque important d'acquérir la bactérie. Jusqu'à 80% des voyageurs revenant de ces zones sont colonisés par des bactéries MDR-GN qu’ils peuvent conserver pendant un an dans leur organisme.

Les chercheurs ont suivi un groupe de 20 européens au cours d’un voyage de trois semaines au Laos. Ils ont obtenu quotidiennement des échantillons de selles afin d’obtenir un maximum d’informations sur leur santé intestinale. Pendant le séjour, les souches bactériennes ont colonisé plusieurs voyageurs qui ont séjourné dans le même hôtel et passé du temps ensemble. Cette étude est la première à analyser des échantillons de voyageurs au cours d’un voyage et non uniquement avant et après. Parmi les voyageurs européens au Laos suivis pendant la recherche, 70% ont été colonisés à la fin de l’étude. Un échantillonnage quotidien a révélé que tous les participants ont acquis des bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) à un moment donné pendant leur séjour à l'étranger. Les enzymes BLSE créent une résistance dans le corps à la plupart des antibiotiques bêta-lactamines. Les infections par des organismes producteurs de BLSE s’avèrent difficiles à traiter.

Des infections difficiles à traiter

Dans le détail, tous les participants sauf un ont acquis plusieurs souches de bactéries dont certaines étaient partagées par quatre touristes. “Notre étude révèle la véritable échelle et la complexité à laquelle les bactéries résistantes aux médicaments colonisent le tractus intestinal pendant le voyage, ce qui démontre qu’elle a été sérieusement sous-estimée auparavant, estime Jukka Corander, co-auteur de l’étude. De plus, plusieurs de nos participants ont perdu une partie de leurs souches de BLSE acquises lors de voyages alors qu'ils étaient encore à l'étranger - ce qui indique que des études antérieures utilisant uniquement un échantillonnage avant et après le voyage ont sous-estimé la mesure dans laquelle les voyageurs sont colonisés par le BLSE.”