ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Pourquoi l’antibiorésistance s'accélère

Virus et bactéries

Pourquoi l’antibiorésistance s'accélère

Par La rédaction

Les virus et les bactéries sont capables d’échanger leurs propriétés antibiorésistantes avec une quantité quasi illimitée de leurs semblables. De plus, au contact d’un nouvel écosystème, ils sont capables de s’adapter pour s’en protéger, et faire profiter de leur savoir aux autres, ce qui explique une résistance aux antibiotiques de plus en plus forte.

iStockphoto.com/Wildpixel
Les virus et les bactéries peuvent échanger des partie de leur matériel génétique responsable de l'antibiorésistance.
Leur résistance s'accroît lorsqu'ils rencontrent un nouvel écosystème, aussi bien naturel qu'humain.
L'antibiorésistance des virus et des bactéries peut potentiellement devenir quasi illimitée.

Cartographier l’ensemble du vivant pour s’en prémunir n’est pas une sinécure. Si l’entreprise est complexe, elle vise avant tout à mieux protéger les humains contre les virus et les bactéries qui peuvent nous attaquer, à plus forte raison quand on ne sait pas comment s’en débarrasser. Des chercheurs de l’université technologique de Chalmers (Suède) ont démontré que les transferts génétiques importants entre les humains et les bactéries de notre écosystème pourraient être à l’origine de l’antibiorésistance. Les résultats de leurs travaux ont été publiés sur la plateforme MicrobiologyOpen.

Des échanges entre micro-organismes pour devenir plus résistants

On parle d’antibiorésistance lorsque des micro-organismes comme les virus ou les bactéries ont acquis la capacité de résister aux antibiotiques. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l’antibiorésistance est l'une des plus grandes menaces pour la santé, la sécurité alimentaire et le développement dans le monde, car il devient de plus en plus compliqué de se débarrasser d’agents potentiellement pathogènes. Rien qu’en Europe, la résistance aux antibiotiques cause déjà plus de 33 000 décès par an.

L’antibiorésistance n’est pas propre à une seule catégorie de bactéries ou de virus. Des espèces de bactéries totalement différentes peuvent se transmettre des gènes de résistance par l'intermédiaire de plasmides, des petites molécules d'ADN dans lesquelles elles stockent certains de leurs gènes en dehors du chromosome. Ainsi, lorsque deux cellules bactériennes entrent en contact, elles peuvent mutuellement copier leurs plasmides, ce qui rend les deux espèces résistances aux antibiotiques. Dans ce cas de figure, on parle alors de conjugaison.

Ces dernières années, nous avons constaté que les gènes de résistance se sont propagés aux agents pathogènes humains dans une mesure bien plus importante que ce à quoi on s'attendait, explique Jan Zrimec, chercheur en biologie systémique et synthétique à l'université de technologie de Chalmers. Beaucoup de ces gènes semblent provenir d'un large éventail d'espèces bactériennes et d'environnements, tels que le sol, l'eau et les bactéries des plantes. Cela a été difficile à expliquer, car bien que la conjugaison soit très courante, nous avons pensé qu'il y avait une limite distincte pour laquelle les espèces bactériennes peuvent se transférer des plasmides entre elles.

Avec son équipe de chercheurs, Jan Zrimec a mis au point une méthode pour comprendre l’envergure du phénomène chez les bactéries et les virus. Grâce à un algorithme capable d'identifier des régions spécifiques de l'ADN nécessaires à la conjugaison, les chercheurs ont pu explorer les séquences génétiques de 4 600 plasmides provenant de plusieurs types de bactéries. De toute évidence, le transfert génétique pourrait être beaucoup plus illimité et répandu qu’ils ne l'avaient prévu. 

Un potentiel d’antibiorésistance quasi illimité 

Rien que la région oriT, celle qui est spécifique de l’ADN pour la conjugaison, est en réalité huit fois plus grande que les estimations des chercheurs, et abrite deux fois plus de plasmides que ce qu’indiquent les prévisions. De même, le nombre d'espèces bactériennes qui possèdent des plasmides mobiles pourrait être presque deux fois plus élevé que ce que l'on connaissait auparavant. Sur ces plasmides, plus de la moitié a des enzymes de conjugaison qui proviennent d’une autre bactérie. 

"Ces résultats pourraient impliquer qu'il existe un réseau solide pour le transfert de plasmides entre les bactéries des humains, des animaux, des plantes, du sol, des environnements aquatiques et des industries, pour n'en citer que quelques-uns, analyse Jan Zrimec. Les gènes de résistance sont présents naturellement dans de nombreuses bactéries différentes dans ces écosystèmes, et le réseau hypothétique pourrait signifier que les gènes de tous ces environnements peuvent être transférés aux bactéries qui provoquent des maladies chez l’homme. Cela pourrait être une raison possible du développement rapide de la résistance chez les agents pathogènes humains que nous avons observés ces dernières années. Notre utilisation intensive d'antibiotiques sélectionne les gènes de résistance, qui pourraient donc provenir d'un réservoir génétique naturel beaucoup plus important que ce que nous avions estimé précédemment.

De nouvelles études doivent être réalisées à l’avenir pour mieux comprendre la portée de ces échanges de plasmide. Toutefois, les méthodes d'analyse des données mises au point par Zrimec peuvent déjà être utilisées par de nombreux chercheurs travaillant sur la résistance aux antibiotiques dans divers domaines médicaux et biologiques. Elles constituent un nouvel outil puissant pour cartographier systématiquement la transférabilité potentielle de différents plasmides.