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Espoir

Surdité : une thérapie génique prometteuse

Par Raphaëlle de Tappie

Grâce à un traitement se basant sur l'apport génétique dans les cellules de l'oreille interne, les enfants nés avec une mutation génétique entraînant la surdité pourraient voir leur vie considérablement améliorée. 

Rawpixel/iStock
Les scientifiques ont créé un virus synthétique inoffensif et l'ont utilisé pour délivrer du matériel génétique.
Les souris traitées ont développé une audition normale, avec une sensibilité presque identique à celle des souris saines qui n'ont pas la mutation.

La surdité est le handicap sensoriel le plus répandu sur la planète. En effet, selon l’Organisation mondiale de la santé, environ un demi-milliard de personnes souffriraient d’une perte auditive. Plus inquiétant encore, ce chiffre devrait doubler au cours des prochaines décennies. Dans près de la moitié des cas, elle est due à une mutation génétique. Mais d’après une nouvelle étude parue dans la revue EMBO Molecular Medicine le 22 décembre, des chercheurs auraient mis au point une thérapie capable de changer la vie d’enfants nés avec l’une de ces terribles variantes. Le traitement se base l’apport génétique dans les cellules de l’oreille interne.

Dans cette étude, les scientifiques de l’Université de Tel-Aviv (TAU) se sont concentrés sur la surdité génétique causée par une mutation du gène SYNE4, “une surdité rare découverte par notre laboratoire il y a plusieurs années dans deux familles israéliennes, et depuis lors identifiée en Turquie et au Royaume-Uni également, expliquent-ils. Les enfants qui héritent du gène défectueux de leurs deux parents naissent avec une audition normale, mais ils perdent progressivement leur audition pendant l'enfance. La mutation entraîne une mauvaise localisation des noyaux cellulaires dans les cellules ciliées à l'intérieur de la cochlée de l'oreille interne, qui servent de récepteurs d'ondes sonores et sont essentiels pour l'audition. Ce défaut conduit à la dégénérescence et à la mort éventuelle des cellules ciliées”, détaille le professeur Karen Avraham du département de génétique moléculaire humaine et de biochimie de la faculté de médecine de Sackler et de l'école de neurosciences de Sagol de la TAU.

Ici, les scientifiques ont créé un “virus synthétique inoffensif et l'avons utilisé pour délivrer du matériel génétique - une version normale du gène qui est défectueux à la fois dans le modèle de souris et dans les familles humaines touchées”, explique Shahar Taiber, l'un des étudiants du professeur Avraham. Ils l’ont ensuite injecté dans l’oreille interne de souris porteuses d’une mutation génétique de la surdité peu après leur naissance, afin que cela “pénètre dans les cellules ciliées et libère sa charge génétique. Ce faisant, nous avons réparé le défaut dans les cellules ciliées et leur avons permis de mûrir et de fonctionner normalement”, détaille Taiber.

L'ampleur du rétablissement de l'audition est impressionnante

Résultats : “les souris traitées ont développé une audition normale, avec une sensibilité presque identique à celle des souris saines qui n'ont pas la mutation”, s’enthousiasme le professeur Jeffrey Holt de l'hôpital pour enfants de Boston et de la faculté de médecine de Harvard, qui a participé aux travaux.

C'est une étude importante qui montre que la thérapie génique de l'oreille interne peut être appliquée efficacement à un modèle murin de surdité SYNE4 pour sauver l'audition, commente quant à lui le professeur Wade Chien, du programme de thérapie génique de l'oreille interne du NIDCD/NIH et de la Johns Hopkins School of Medicine, extérieur à ces recherches. L'ampleur du rétablissement de l'audition est impressionnante. Cette étude fait partie d'un ensemble croissant de publications montrant que la thérapie génique peut être appliquée avec succès à des modèles murins de perte auditive héréditaire, et elle illustre l'énorme potentiel de la thérapie génique comme traitement de la surdité”, concluent-ils.

Actuellement, les scientifiques développent des thérapies similaires pour d’autres mutations à l’origine de la surdité. Car de nos jours, une centaine de gènes différents sont associés à la surdité héréditaire.

La surdité de perception et celle de transmission

Cette dernière appartient à la famille des surdités de perception. Dans ce cas, le patient souffre d’anomalies de la transformation du signal sonore en influx nerveux et de l’interprétation de ce signal par le cerveau. Outre la cause génétique, cette surdité peut être due à la maladie de Ménière (une augmentation de la pression dans le labyrinthe), à certains médicaments toxiques pour l’oreille interne, à une exposition aux bruits intenses, à un traumatisme ou une infection de l’oreille interne, à un problème cardiovasculaire, à une atteinte du nerf auditif, ou, plus rarement, des voies auditives du cerveau.

On distingue la surdité de perception de celle de transmission. Celle-ci provient d’un problème de transmission du signal sonore dans l’oreille externe (partie apparente de l’oreille) ou moyenne (partie située entre l'oreille externe et interne). Ses principales causes sont : une malformation congénitale de l’oreille, un blocage mécanique, des séquelles d’un traumatisme de l’oreille moyenne ou une dégénérescence des osselets de l’oreille moyenne (ostopongiose).

En France, le niveau global de surdité est calculé sur l’oreille qui entend le mieux. On distingue les personnes souffrant de surdité légère (de 20 à 39 décibels de perte auditive), moyenne (de 40 à 69 décibels de perte), sévère (de 70 à 89 décibels de perte) et profonde (plus de 90 décibels de perte), où le patient n’entend plus du tout la parole. D’après le site de la sécurité sociale, un enfant sur mille naît sourd profond. À 3 ans, trois enfants sur 1000 souffrent d’une surdité sévère ou profonde. Enfin, plus de 10% de la population française serait confrontée à une perte d’acuité auditive ou une baisse de l’audition.