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Innovation

Thérapie génique, un espoir pour des maladies graves

Par Judith Baillet

La thérapie génique qui consiste à introduire du matériel génétique pour "corriger" les cellules d’un malade permettrait de soigner de lourdes pathologies comme des cancers ou des maladies neurodégénératives. Les premiers résultats se révèlent très prometteurs.  

wildpixel/iStock

Combattre des pathologies lourdes comme la mucoviscidose ou certains cancers avec des gènes, telle est l’ambition de la thérapie génique. Un traitement complexe qui repose sur une idée simple : réparer l’ADN abîmé à l’aide d’un gène sain, copie du gène altéré à l'origine de la maladie, que l’on introduit dans l’organisme du patient. Les cellules peuvent alors produire la protéine faisant initialement défaut.

Directeur Scientifique de l'AFM-Téléthon, Serge Braun suit de près ces enjeux. En effet, en France, la thérapie génique est financée et développée à travers le Téléthon.

Mais les maladies que vise la thérapie génique ne se limitent pas aux maladies rares. « Elle concerne aussi les maladies infectieuses comme le SIDA ou la Covid, les maladies cardiovasculaires, neurologiques, et les cancers », explique Serge Braun. D’ailleurs, 60% des essais cliniques concernent le traitement de cancers.

Deux grandes méthodes sont possibles pour remplacer le gène défectueux. On peut utiliser un virus dans lequel les chercheurs glissent un morceau d’ADN qui pénètrera dans la cellule et délivrera le fragment nécessaire à la réparation de l’ADN. Une méthode plus récente vise à couper le morceau d’ADN abîmé à l’aide de ciseau moléculaire, le"s fameux CRISPR-Cas-9. Pour remplacer le gène altéré, les chercheurs peuvent avoir recours à la méthode in vivo, c’est-à-dire injecter directement le matériel génétique fonctionnel ; ou alors le multiplier préalablement en laboratoire, c’est la méthode ex-vivo.

Les victoires "made in France"

C’est dans les années 60 que sont nés les premiers travaux, à la suite des découvertes de James Watson et Francis Crick autour de la structure de l’ADN. Le premier succès clinique aura lieu en France, en 2000. Le professeur d’immunologie Alain Fischer et son équipe de l’Inserm parviennent à soigner quatre « bébés bulles » souffrant d’un déficit immunitaire combiné sévère lié au chromosome X (DICS-X). En effet, ces enfants étaient contraints de vivre dans un environnement stérile, sous peine de mourir d’une infection. Via à un vecteur viral de type rétrovirus, l’équipe a réussi à insérer une copie saine du gène malade dans l’organisme des enfants. Le résultat de longs travaux français… Parmi les premiers essais cliniques menés dans les années 90, bon nombre de programmes étaient portés par la France et financés par le Téléthon, notamment en matière d’immunodéficience sévère.

Plus récemment, en 2016, un garçon âgé de 13 ans atteint de la drépanocytose a pu bénéficier de la thérapie génique dans le cadre d’un essai clinique de phase I/II réalisé par des médecins de l'hôpital Necker. Une première mondiale. Les résultats confirment l’efficacité du traitement, comme le souligne un article publié dans le New England Journal of Medicine en mars 2017: rémission complète des signes cliniques de la maladie et correction des signes biologiques.

Aujourd’hui le Généthon et le laboratoire français YposKesi, l’un des plus grands en Europe, produisent des médicaments pour les essais cliniques.

Des traitements onéreux

Le coût de ces médicaments reste encore très élevé. Ainsi, celui qui s’adresse aux fameux « bébés bulles » avoisine les 600.000 euros. Pour avoir accès au traitement la dégénérescence de la vue conduisant à la cécité, il faut compter 735.000 euros.

L’année dernière, pour soigner leur fille de 9 mois atteinte d’amyotrophie spinale, un couple belge a du se tourner vers la thérapie génique à travers un médicament disponible aux Etats-Unis. En effet, leur fille est née avec cette maladie génétique rare entrainant une atrophie des muscles. Tarif de l’injection : 1,9 millions d’euros. Les parents ont donc lancé un appel aux dons et la somme a pu être réuni. « Si en valeur absolue ces médicaments sont très chers, rappelons qu’une seule injection peut suffire, quand certains autres traitements pour des greffes par exemple nécessitent une prise en charge sur le long terme qui finit par être parfois plus onéreuse », nuance Serge Braun. 

Ces prix ne dépendent pas uniquement du marché. « Le coût de production est extrêmement élevé, confie le chercheur, la thérapie génique injecte un milliard de fois plus de particules virales qu’un vaccin, il faut donc produire plus dans un volume moindre. » L’objectif est d’arriver à augmenter le rendement actuel. Un problème technique et scientifique que personne n’a résolu pour le moment…

Une révolution médicale en marche

« Aujourd’hui, 10 médicaments de thérapie génique sont disponibles dont 4 en grande partie grâce à l’AFM. Un onzième devrait être prêt à la fin de l’année », révèle Serge Braun. Près de 700 essais cliniques sont en cours dans le monde. Les résultats apparaissent souvent spectaculaires, en ophtalmologie, infectiologie ou hématologie. A ce jour, 30 produits sont en phases 3, le dernier stade. Ces produits concernent par exemple l’insuffisance cardiaque, des maladies rares et aussi les cancers de la vessie ou du col de l’utérus. D’ici 2022, une vingtaine de produits supplémentaires devraient être lancés sur le marché.

Une croissance exponentielle qui ne surprend pas Serge Braun : « il a fallu une génération pour que la thérapie génique arrive à maturité. Trente après, elle trouve sa place dans l’arsenal thérapeutique. » Même le médicament contre la covid-19 pourrait être issu de ces avancées scientifiques : « 40% des médicaments candidats contre la covid-19 relève de la thérapie génique », précise le Directeur Scientifique de l'AFM-Téléthon.

Mais le scientifique craint que les industriels se désintéressent de cette révolution médicale. La France souffre d’un manque de vision industrielle qui pourrait la pénaliser sévèrement. Les Etats-Unis et aujourd’hui la Chine investissent massivement. Plusieurs principes actifs issus d’essais français ont été racheté par des fonds d’investissements américains. Le chercheur conclue : « c’est l’innovation en matière de production – à condition de pouvoir industrialiser derrière – qui pourra replacer la France à la place qu’elle mérite» .

Article réalisé à partir du dossier du LEEM, "100 questions sur le médicament"

Retrouvez ci-dessous la fiche du LEEM sur le thème : "Thérapie génique, les traitements du futur ?":

https://www.leem.org/100-questions/therapie-genique-les-traitements-du-futur

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