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Chimie et attraction

Infertilité : comment les ovules humains sélectionnent les spermatozoïdes

Par Raphaëlle de Tappie

Comme chez les animaux, les ovules humains choisissent parmi les spermatozoïdes qui se présentent à eux par l'intermédiaire de molécules chimio attractantes. Il ne s'agit pas toujours de ceux du partenaire amoureux. A terme, cette découverte pourrait permettre de mieux comprendre l'infertilité et de proposer des traitements plus performants. 

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Comme chez les animaux, les ovules humains choisissent parmi les spermatozoïdes qui se présentent à eux par l'intermédiaire de molécules chimio attractantes.
Malheureusement, les ovules ne sont pas toujours intéressés par le sperme du partenaire amoureux.
Cette découverte suggère que l'infertilité n'est forcément pas due à l'homme ou à la femme mais à une incompatibilité chimique entre les deux.

Chez les mammifères, la sélection féminine pour choisir un mâle dont le patrimoine génétique lui assurera la meilleure descendance possible se produit également à un niveau cellulaire. On savait déjà que les ovules sélectionnaient les meilleurs spermatozoïdes par l’intermédiaire de molécules chimio attractantes. Mais ce mécanisme restait assez méconnu chez l’humain. Aujourd’hui, une nouvelle étude parue le 10 juin dans la revue Proceeding of The Royal Society B montre que les ovules humains choisissent également parmi les spermatozoïdes qui se présentent à eux par le même mécanisme. N’en déplaise aux plus romantiques, les spermatozoïdes préférés des ovules ne sont pas forcément ceux du partenaire amoureux. A terme, cette découverte pourrait aider à mieux identifier les causes de l’infertilité dans le monde.

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs de l’université de Stockholm (Suède) ont étudié les cas de couples ayant suivi une fécondation in vitro. Ils ont récupéré le fluide entourant l’ovule et les follicules dans lequel il déverse ses molécules chimio attractantes, ainsi que les spermatozoïdes des sujets. Ils ont ensuite observé le comportement des spermatozoïdes provenant de plusieurs donneurs en face de différents liquides folliculaires.

Résultat des observations : les spermatozoïdes répondent différemment à chaque liquide folliculaire. Ainsi, grâce aux molécules qu’ils sécrètent autour d’eux, les ovules attirent les spermatozoïdes d’un homme précis. “Le fluide folliculaire d'une femme donnée était meilleur pour attirer le sperme d'un homme donné, quand le fluide folliculaire d'une autre femme était meilleur pour attirer le sperme d'un autre homme”, explique le professeur John Fitzpatrick, de l’université de Stockholm et premier auteur de l’étude. 

“L’idée que les ovules choisissent le sperme est vraiment nouvelle”

Ainsi, contrairement au spermatozoïde qui n’a qu’un objectif c’est de fertiliser les ovules, quels qu’ils soient, l’ovule, lui, choisit soigneusement le spermatozoïde qui le fécondera, que ce soit pour ses caractéristiques génétiques ou pour son affinité pour les chimio attractants qu’ils sécrètent. Et force est de constater via cette expérience que le sperme préféré de l’ovule n’est pas forcément du compagnon de la femme. “Cela démontre que les interactions entre les ovules et le sperme dépendent de l’identité spécifique des femmes et des hommes impliqués”, ajoute John Fitzpatrick. 

Ainsi, malgré la grande liberté de choix des humains avant l'accouplement, la communication chimio sensorielle entre les gamètes conserve un rôle dans le recrutement sélectif du sperme”, notent les chercheurs dans leur papier.

L’idée que les ovules choisissent le sperme est vraiment nouvelle dans le domaine de la fertilité humaine”, commente le professeur Daniel Brison, directeur scientifique du département de médecine de la reproduction à l’hôpital Saint-Marys (Montréal, Canada) et auteur principal de cette étude.

Améliorer les traitements de fertilité  

La prochaine étape essentielle consiste à déterminer si ces effets interactifs entre la femme et l'homme sont une caractéristique commune de la reproduction chez les mammifères, y compris chez les humains qui ne suivent pas de traitement de fertilité assistée (bien que cela soit difficile sur le plan logistique et éthique), et à examiner la possibilité que le choix du partenaire par les gamètes influence la qualité de l'embryon dans des conditions biologiquement pertinentes”, poursuivent-ils.

“La recherche sur la manière dont les ovules et le sperme interagissent fera progresser les traitements de fertilité et pourrait éventuellement nous aider à comprendre certaines des causes actuellement ‘inexpliquées’ de l’infertilité chez certains couples”, conclut Brison.

Environ 150 000 tentatives de PMA chaque année en France  

En France, environ un couple sur huit consulte en raison de difficultés à concevoir un enfant, selon les données de l’Inserm. D’après le ministère de la Santé, environ 150 000 tentatives de PMA ont lieu tous les ans. Ces dernières donnent lieu à 25 000 naissances chaque année, parmi lesquelles environ un millier sont issues d’un donneur tiers. La plupart des couples hétérosexuels préfèrent toutefois faire des PMA avec leurs propres gamètes. L’ouverture de la PMA à toutes les femmes, votée fin janvier par le Sénat dans le cadre du nouveau projet de loi bioéthique devrait augmenter de 2 000 les recours réalisés chaque année, d’après les estimations de la ministre de la Santé.