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Horloge interne

Le temps chez les animaux, une notion liée aux actions et aux mouvements

Par Jean-Guillaume Bayard

Contrairement aux humains, la notion de temps chez les animaux est liée aux actions et mouvements réalisés qui leur permet notamment de s'attendre à un événement régulier.

iagodina/iStock
Les animaux ont tendance à adopter des comportements stéréotypés qui améliorent leur précision du temps
Ils mettent en place une action routinière fondée sur l'activité physique pour se repérer dans le temps
Un phénomène qui s'observe également chez l'humain

Pour adapter leur comportement, les animaux “développent des routines motrices qui dépendent de leur environnement”, annoncent des chercheurs de l’Inserm qui travaillent à l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed) de Marseille. Contrairement à l’Homme, c’est donc l’action et le mouvement qui réglerait l’horloge interne des animaux. “La relation étroite entre le corps et le cerveau est particulièrement pertinente pour la question du temps, car l'Homme fait preuve d'une faible précision de jugement temporel lorsqu'il est empêché de compter secrètement ou ouvertement, et plusieurs études ont rapporté que les mouvements améliorent la perception des intervalles récurrents, précisent les chercheurs dans la publication de l’étude dans la revue PNAS. Les animaux ont tendance à adopter des comportements stéréotypés, ce qui soulève la possibilité que les routines motrices améliorent la précision du temps.”

Les rats moins précis quand le chronomètre ne dépend pas de leur mouvement

Pour tester les animaux, les chercheurs ont mené leur étude sur des rats. Ils leur ont proposé une boisson sucrée toutes les sept secondes à l'extrémité d'un tapis roulant de 90 cm de long qui allait à rebours à une vitesse modulable. Un rayon infrarouge en bout de tapis a permis de détecter l'arrivée du rat et, si le chronométrage est bon, de délivrer la goutte sucrée. Au bout d'une quinzaine de sessions, les rats ont réussi à arriver au bon moment, ni trop tôt ni trop tard, pour recevoir la récompense. Les chercheurs ont observé qu'environ 80% des rats qui ont le mieux réussis sont ceux qui ont développé une routine “attente et course”. Ces rats ont débuté chaque expérience dans la zone de récompense puis ont attendu que le tapis les ramène en bout de parcours avant de courir de façon constante vers la récompense.

Les rats sont moins précis lorsqu'ils sont contraints de chronométrer leur approche de la récompense indépendamment de leurs mouvements sur le tapis roulant. Pour s’en rendre compte, les chercheurs ont modifié la vitesse du tapis. Les rats ont majoritairement échoué à atteindre la récompense au bon moment tout comme que ceux qui ont été entraînés à partir d'un tapis fixe avec une lumière annonçant le début du décompte. Cela suggère que “la possibilité d'effectuer une séquence motrice stéréotypée adaptée aux caractéristiques saillantes de l'environnement (ici, en tirant parti de la longueur totale du tapis roulant et de ses limites physiques) améliore la précision temporelle”, concluent les chercheurs.

La routine, présente également chez les humains pour se situer dans le temps

Ces expériences ont permis aux chercheurs de constater que la notion du temps chez les rats dépend du mouvement et d’une action routine. “Cette expérience indique que la notion du temps ne dépend pas d'une horloge interne qui aurait permis à l'animal de savoir qu'il fallait attendre sept secondes entre deux récompenses, mais bien de la mise en place d'une routine fondée sur l'activité physique. Celle-ci dépend à la fois de la capacité de l'animal à apprendre, mais aussi de l'acquisition de mouvements dépendants de l'environnement. L'animal utilise le tapis, les murs, pour adapter ses gestes et développer cette routine”, décrit David Robbe qui a dirigé ces travaux.

Ce phénomène routinier qui rythme l’horloge interne des animaux s’observe également chez les humains et “aident à évaluer l’heure” notent les chercheurs. Notre organisme effectue “des micro-mouvements réguliers non perceptibles et inconscients comme des contractions musculaires pour mieux l'évaluer, avance David Robbe. Un enfant qui compte lors d'un jeu va, par exemple, balancer son corps ou son bras pour s'aider. Chez l'Homme, la notion du temps pourrait donc aussi être une affaire de mouvement.” Une routine bouleversée par le confinement qui a eu pour conséquence de “bouleverser la notion du temps chez beaucoup d’individus”.