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Risque

Obésité : comment la Covid-19 a permis une prise de conscience

Par Amanda Breuer-Rivera

Le confinement a été un révélateur de fragilité pour certaines personnes obèses ou en surpoids. Désormais considérées à risque, elles sont nombreuses à s'inquiéter pour leur avenir et surtout leur santé.

shurkin_son/iStock

Obèse, un signe de fragilité. C'est cette réalité qui a éclaté au grand jour pour de nombreuses personnes obèses ou en surpoids durant le confinement. Caroline - le prénom a été changé -, 48 ans et mère de deux adolescente, n'avait pas conscience de cela. "Avec le confinement je ne marchais plus et je me suis retrouvée au chômage, là j'ai remarqué que je n'arrivais à passer le balais d'une seule traite dans l'appartement et que j'avais besoin de faire des pauses, se rappelle-t-elle. Les gestes du quotidien devenaient difficile et j'avais mal aux bras et aux articulations, me reposer me fatiguait encore plus... là je me suis dit que mon corps m'avait lâché."

Pourtant cette mère sociale et active qui mesure 1m58 pour 104kg, n'avait jamais ressenti que son corps pouvait "l'handicaper". "Avant cela m'arrivait aussi mais comme je rentrais d'une journée de travail ou que je venais de faire des courses, je me disais que ma fatigue venait de là sans plus me poser de questions."

Lente prise de conscience

Pourtant même si Caroline a appris dès le mois de mars que les personnes obèses développent des formes plus graves de la Covid-19, elle ne se sentait pas plus concernée qu'une autre personne. "J'avais accepté mon poids, je ne pensais pas qu'il était morbide et nocif pour ma santé" assure-t-elle. Pourtant c'est sur l'insistance de ses filles qu'elle finit par prendre conscience qu'il fallait qu'elle mange "plus sainement", soit dans son cas diminuer les féculents et plats trop copieux. "Je me sentais bien! Et je me disais qu'il fallait bien mourir de quelque chose et que se priver c'était se rendre malheureux, explique-t-elle. Là il faut que je mange sainement pour profiter du temps qu'il me reste à vivre."

Depuis cette prise de conscience fin avril-début mai, sa vision de la pandémie a évolué "j'avais peur jusqu'à début mai car c'est dangereux pour les personnes obèses et comme je fais plus de 100kg je le suis, mais cela faisait aussi peur à mes filles qui ne voulaient plus sortir de peur de me contaminer." Désormais, la petite famille sort tous les jours se balader 1h dans la nature. Caroline a commencé à remplacer les aliments gras et sucrés par des substituts et pris rendez-vous avec une diététicienne pour "apprendre à manger sainement" sans objectif de poids.

Selon la Ligue contre l'obésité, comme Caroline de nombreuses personnes obèses ont pris conscience de leur mauvais état de santé durant le confinement. Le site Internet de l'association a vu le nombre de ses visiteurs doubler entre février et avril dernier. L'association a notamment mis en place une cellule Covid-19 pour répondre par mail ou téléphone aux questions des personnes obèses et en surpoids. En une dizaine de jours, ils ont été sollicité par 300 personnes. "On estime que 8 millions de français souffrent d'obésité mais peu d'entre elles se posent des questions sur leur état, assure Agnès Maurin directrice cofondatrice de la Ligue contre l'obésité. La Covid-19 a été un choc car pour la première fois ils se posaient des questions sur leur poids."

Obèses, davantage fragiles

Les personnes obèses plus à risque seulement à cause de leur poids? Assurément selon une étude menée par les équipes du CHRU de Lille durant le confinement. L'équipe a observé que, 47 % des patients infectés entrant en réanimation étaient en situation d’obésité. Elle a aussi observé que les personnes ayants un IMC supérieur à 35, ont plus de risques d’être placé sous respiration mécanique invasive, indépendamment de l’âge, de l’hypertension artérielle et du diabète. En somme plus la personne souffre de surpoids, plus elle risque de développer une forme sévère de la Covid-19. "L'obésité est une maladie chronique, or cette inflammation permanente permet au virus de se déployer plus rapidement, explique Agnès Maurin. Là les défenses immunitaires provoquent une 'tempête immunitaire' qui emmène les patient dans le service de réanimation et la plupart sont décédés, ou bien les défenses ne réagissent pas car elles sont trop affaiblies par la chronicité de l'inflammation et la personne meurt."

Considérées comme à risque, les personnes souffrant d'obésité peuvent bénéficier du soutien de l'État durant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire. Cependant, la Ligue contre l'obésité plaide pour que cette maladie ne soit pas réduite à un simple comportement individuel. "Il y a des prédispositions génétiques mâtinées d'un dysfonctionnement des organismes révélé par l'environnement de nos sociétés, ce n'est pas qu'une question d'alimentation ou de faire plus de sport, prévient Agnès Maurin. Certaines personnes mangent sainement et ont une activité physique mais ne maigrissent pas parce qu'elles sont malades. Aujourd'hui il faut en prendre conscience et sortir de ces préjugés."