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Psychologie

Charge mentale des enfants : ces signes qui doivent alerter les parents

Par Barbara Azaïs

Nos exigences font souvent peser beaucoup de responsabilités sur les épaules des enfants. La psychologue clinicienne Aline Nativel Id Hammou évoque ce phénomène dans son livre “La charge mentale des enfants”. Elle explique pour Pourquoi Docteur quels symptômes peuvent alerter les parents. 

Ipolonina/iStock

Comme c'est le cas chez l'adulte, les enfants peuvent également souffrir de charge mentale, notamment à cause des projections et des exigences parentales (ou d'autres adultes de référence), de la notion de réussite scolaire et de performance imposée lors de l'entrée à l'école, d'une hyperstimulation ou encore des éventuelles tensions au sein du couple.

Les facteurs de risque répartis en 4 parties

La psychologue clinicienne Aline Nativel Id Hammou, spécialiste dans le domaine des enfants, des adolescents et de la famille, alerte sur ce fléau qui affecte le comportement des enfants et entrave leur développement dans son livre La charge mentale des enfants (éditions Larousse), dont nous détaillons les grandes lignes dans un premier article

Quels sont les signes qui doivent alerter les parents et quel est le rôle de ces derniers dans le processus de thérapie ? Dans sa pratique personnelle, Aline Nativel Id Hammou a divisé les facteurs de risque de la charge mentale infantile en quatre parties : “La projection qu'ont les parents de leur propre enfant, c’est-à-dire ce qu’il doit être”, devenir, penser, faire ou croire. Elle appelle cela “l’enfant fantasmé, idéalisé”, préfabriqué. Suivent ensuite “le statut d’élève”, dont les responsabilités peuvent vite s'avérer pesantes lorsque les parents imposent des objectifs élevés, “la place dans la fratrie” ou dans le système familial et enfin le genre, qui définit souvent les activités que doivent pratiquer les enfants selon leurs parents, alors même qu'un petit garçon peut vouloir faire de la danse ou une petite fille du foot.

Quels signes peuvent alerter les parents ?

Chaque enfant étant différent, il existe une multitude de signes pouvant résulter d'une charge mentale. Cependant, parmi les symptômes les plus communs, on retrouve principalement “une fatigue généralisée”. Ces enfants surmenés sont fatigués physiquement, psychologiquement, émotionnellement, cognitivement, etc. “Ils peuvent avoir des troubles du sommeil : soit ne pas dormir, soit à l'inverse, développer une hypersomnie qui leur permettra de se réfugier dans le sommeil. Ces enfants s'endorment souvent n'importe où, même sur les bancs de l'école”. 

Un enfant souffrant de charge mentale fera ce qu'il doit faire “sans plaisir, de façon robotique, sans motivation ou envie”. Dans certain cas, il pourra même afficher “une allure dépressive”, détaille la psychologue. A l'inverse, l'enfant tentera de masquer son mal-être et se montrera “excessivement tonique, énergique, enthousiaste ou avenant”. Il sera dans l'exagération, ce qui peut prêter à confusion et faire penser à ses proches qu'il est épanoui. “Il arrive qu'un enfant exposé à une charge mentale montre également des signes de développement régressif, comme par exemple une envie soudaine de dormir avec ses parents, d'être proche d'eux. Il sera en demande continuelle. Ce mal être peut également provoquer l’énurésie (pipi au lit) ou l’encoprésie (incontinence fécale).”

Chez l'adolescent, on note parfois “une masturbation excessive relevant d'un besoin vital de sentir son corps, de se sentir exister”. L'adolescent souffrant de charge mentale peut avoir besoin de se surpasser devant les autres, parfois en flirtant avec le danger, notamment en participant à des défis dangereux. “Certains enfants ou adolescents peuvent devenir des harceleurs à l'école pour reprendre le pouvoir dans leur vie, pour avoir le contrôle sur quelque chose”. En somme, un enfant ultra-contrôlé ou surmené aura besoin de se sentir vibrer, de décider, d'exister et pourra, soit refouler ce besoin pour entrer dans le moule qu'on a érigé pour lui, soit l'exprimer d'une façon ou d'une autre (mais parfois pas de la meilleure).

"Un enfant en souffrance ne formulera pas non plus son mal être avec des mots. Il ne dira pas ‘papa je suis triste’ ou ‘grand-mère je n'en peux plus’. Il utilisera inconsciemment la psychosomatisation : le mal-être psychologique passe par le corps. Et quand l'enfant dit qu'il a mal quelque part, l'adulte s'occupe de lui”. Il arrive donc que des enfants en souffrance psychosomatisent leurs maux psychiques et se plaignent de douleurs dont on n'explique pas la cause. 

Le rôle du parent dans le processus de thérapie

Les parents occupent une place centrale dans le processus de thérapie entamé par leur enfant, notamment parce que ce dernier peut se considérer comme un poids pour ses proches ou partir du principe qu'il a des problèmes. “Je leur dit dès la première séance que nous allons former une équipe, explique Aline Nativel Id Hammou. Lorsque les parents sont réfractaires, on fait des progrès avec l’enfant pendant quelque temps, mais ses difficultés reviennent 6 mois après. Car si le parent n’évolue pas, l’enfant non plus. Il appartient à un système (une famille), il a sa place, son rôle et cette perception va évoluer dans son esprit, donc si le parent ne change pas avec lui, ça ne fonctionnera pas”.

Comment réagissent les parents lorsque la notion de charge mentale est évoquée ? “Je commence par parler de stress, de fatigue, j'évoque la dépersonnalisation, puis la saturation, la charge”. Quand la psychologue ose enfin évoquer la charge mentale, elle observe deux types de réaction : le déni (“non ce n’est pas possible, je fais tout pour lui, la charge mentale chez l’enfant c’est n’importe quoi”) ou “des parents s’écroulent, souvent eux-même victimes de charge mentale et déboussolés que leur enfant puisse vivre un tel mal-être”. 

“Le vrai temps”, clé de la complicité

La psychologue évoque avec les parents leur “vrai temps” de présence, c'est-à-dire celui qu'ils passent avec leur enfant. Beaucoup considèrent passer du temps avec leurs petits lorsqu'ils les ont avec eux pour faire les courses, ou lors des devoirs, du bain, des repas. Pourtant, “c'est du temps dans l'agir” et non dans l'être, précise Aline Nativel Id Hammou. Elle insiste sur l'importance de partager des moments avec ses enfants, d'être présents à 100%, sans téléphone, télévision ou amis. 

Le psychologue américain Abraham Maslow, connu et reconnu dans le monde pour avoir développé une approche humaniste et positive de la psychologie à partir des années 1940, a érigé la fameuse “pyramide des besoins” qui hiérarchise tous les besoins d’un enfant pour s’accomplir. Parmi eux, figure en effet le “besoin d'appartenance” qui signifie que chaque enfant a besoin de sentir qu’il est unique pour ses parents, même lorsqu’il a des frères et sœurs. Il est donc essentiel que ses parents lui disent combien ils l’aiment et/ou lui montrent qu’ils apprécient passer du temps avec lui, afin qu'il se sente apaisé et en sécurité. 

Lorsque les parents ne le peuvent pas, Aline Nativel Id Hammou recommande de l'expliquer simplement à l'enfant en utilisant également la communication non verbale comme les expressions de visage, plutôt que de “l'envoyer jouer ailleurs”. “Je ne peux pas jouer avec toi maintenant, j'ai mal à la tête”, “je n'ai pas le temps, je dois terminer ceci d'abord”, “je suis fatigué, j'ai besoin de me reposer”… “Les enfants sont plutôt compréhensifs. Les parents doivent aussi s’écouter. Sinon ils donneront l’image d’un parent parfait, toujours souriant, alors que l'enfant attend aussi de voir les imperfections de ses parents pour que lui-même aussi s’autorise à ne pas être parfait.”