ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Alzheimer : et s'il s'agissait d'une maladie à prions?

Démence

Alzheimer : et s'il s'agissait d'une maladie à prions?

Par Raphaëlle de Tappie

D'après une nouvelle étude française, les protéines spécifiques à la maladie d'Alzheimer se comportent comme des prions pathogènes, transmettant leur forme anormale à des protéines prions saines. 

Katarzybialaswieczy/iStock

La maladie d’Alzheimer est la première cause de démence dans le monde. Elle touche 7,7 millions de nouvelles personnes chaque année. D’un point de vue clinique, elle affecte progressivement les fonctions cognitives du malade (mémoire langage, raisonnement, apprentissage, résolution de problèmes, prise de décision, perception, attention…) aboutissant à une perte de l’autonomie. D’un point de vue physiologique, on sait depuis trente ans que deux protéines jouent un rôle central dans sa formation : la protéine bêta-amyloïde et la protéine tau. D’après une étude française parue dans la revue Acta Neuropathologica Communications, ces protéines se comporteraient comme des prions pathogènes, transmettant leur forme anormale à des protéines prions saines et multipliant ainsi la dégénérescence des neurones dans le cerveau.   

Pour mener leur étude, les chercheurs de l'institut de biologie François Jacob (France) ont examiné des échantillons prélevés sur des patients décédés de la maladie d’Alzheimer. En inoculant des extraits chez des animaux sains, ils ont pu observer que cela entraînait à terme des troubles de la mémoire, du langage, une perte des neurones et une réduction de la taille du cerveau. 

Ils ont également observé l'apparition de lésions caractéristiques d'Alzheimer: l'amylose et la tauopathie. Ainsi, la transmission des dommages de la maladie laissent penser que les protéines β-amyloïdes et Tau se comportent comme des prions pathogènes, notent les chercheurs. 

Première démonstration expérimentale du genre

Sur son site, l’Inserm explique que “les maladies à prions sont des maladies rares caractérisées par une dégénérescence du système nerveux central et la formation d’agrégats d’une protéine spécifique. Elles sont dues à l’accumulation dans le cerveau d’une protéine normale mais mal conformée, la protéine prion. Ces maladies sont caractérisées par une évolution rapide et fatale, ainsi que par l’absence de traitement. La plus connue est la maladie de Creutzfeldt-Jakob (dégénérescence du système nerveux central, NDLR)”.

Si cette étude n’est pas la première à étudier “l’hypothèse prion” chez Alzheimer (théorie également déjà avancée pour d’autres maladies dégénératives comme Parkinson), il s’agit de la première démonstration expérimentale où des signes cliniques associés à un processus neurodégénératif ont été inoculés via l’échantillon d’un cerveau à un autre.

“Nos résultats indiquent que l'inoculation d'homogénat cérébral de la maladie d'Alzheimer induit une encéphalopathie caractérisée par une perte neuronale, une atrophie progressive, des altérations de l'activité neuronale et des déficits cognitifs ainsi que de rares dépôts de β-amyloid et tau. Les signes cliniques s'expliquent par la perte neuronale, l'atrophie cérébrale et le dysfonctionnement des réseaux neuronaux. Les lésions de Tau peuvent être un déterminant fort, mais pas le seul, dans l'induction de la perte neuronale et des résultats cliniques. D'autres études sont nécessaires pour évaluer la nature des relations entre les différentes lésions induites par l'inoculation d'homogénat cérébral de la maladie d'Alzheimer et pour évaluer les mécanismes menant à l'encéphalopathie induite par ces inoculations”, concluent les chercheurs.

Une maladie de plus en plus présente

Cette découverte renforce donc l’hypothèse prion pour Alzheimer, ce qui ouvre la voie à l’exploration de nouveaux mécanismes pour comprendre les pertes neuronales et de mémoire. En France, la maladie d’Alzheimer touche environ un million de personnes. D’après la Fondation pour la recherche médicale, 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année et la situation n’est pas prête de s’améliorer puisqu’en 2040, 2,1 millions de patients de plus de 65 ans devraient être concernés.