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Progrès scientifique

On pourra bientôt soigner une plaie sans laisser de cicatrices

Par Misha P.

Des chercheurs allemands ont compris un des mécanismes de la cicatrisation. Leur découverte pourrait accélérer la guérison de personnes qui souffrent de plaies chroniques, qui mettent plus de six semaines à se refermer.

Coffrerai/iStock

Toutes les plaies ne se referment pas avec le temps. Si en tant normal, notre organisme les referme en quelques jours, d’autres plaies, aussi bien internes qu’externes, sont plus problématiques. Le corps médical parle de plaie chronique pour définir toute cicatrisation supérieure à six semaines, ce qui peut notamment être le cas pour les escarres, les plaies des personnes diabétiques ou encore les moignons d’amputations. 

Les plaies chroniques sont causées lorsque des fibroblastes, ou cellules de soutien, sécrètent une matrice extracellulaire sur une peau blessée. Jusqu'à présent, l'origine physique des fibroblastes restait inconnue, mais une recherche menée par le docteur Yuval Rinkevich, chef du groupe de biologie régénérative à l'Institut de biologie et de maladie pulmonaire du Helmholtz Zentrum Munchen (Allemagne), a trouvé le moyen de modifier le processus de cicatrisation. Le résultat de leur recherche a été publié le 27 novembre dans la revue Nature.

A l'origine de la cicatrisation

Les chercheurs se sont concentrés sur le fascia, une membrane principalement composée de tissu conjonctif et de collagène qui attache, stabilise, enferme et sépare les muscles et les organes internes. Toutes les cicatrices proviennent d'une lignée de fibroblastes qui exprime le gène Engrailed-1, présent dans la peau et le fascia. 

Les premiers résultats montrent que lors d’une blessure, les fibroblastes du fascia remontent à la surface en embarquant avec eux une matrice extracellulaire. Cette dernière, qui ressemble selon les chercheurs à de la “gelée”, est composée de vaisseaux sanguins, de nerfs périphériques et de macrophages (les globules blancs chargés de nettoyer la zone en “mangeant” les corps étrangers). Une fois sur place, les fibroblastes du fascia forment une matrice provisoire.

Dans un second temps, les équipes de recherche se sont aperçus que lorsqu’ils plaçaient un film poreux sous la peau pour arrêter la migration des fibroblastes du fascia, des plaies chroniques se développaient. L'équipe de recherche en déduit que le fascia contient donc un ensemble spécial de fibroblastes qui assemble tous les types de cellules et les composants matriciels nécessaires pour guérir les plaies. Ceci conduit à l'hypothèse que le mouvement du fascia déclenche la réponse caractéristique aux blessures internes et externes, qu’on appelle la cicatrisation. 

Malgré son apparence parfois disgracieuse, la cicatrisation est essentielle à la survie. Chez les mammifères (dont nous faisons partie), la cicatrisation déclenche une réponse tissulaire fibrotique universelle qui recouvre les plaies de cicatrices, ce qui prévient à la fois les infections et les saignements abondants qui pourraient être mortels. 

Des résultats prometteurs

Contrairement à nos connaissances actuelles sur la cicatrisation des plaies, les chercheurs ont conclu qu'au lieu que les cicatrices se forment par les fibroblastes qui déposent une matrice extracellulaire sur les parties lésées, elles prennent naissance dans les réservoirs de gelée de matrice qui sont entraînés dans les plaies ouvertes par les fibroblastes du fascia. 

Les résultats qui indiquent que le fascia est à l'origine de la cicatrisation peuvent ouvrir la voie à la prévention des réponses fibrotiques pathologiques, ce qui mènera à une régénération et une guérison sans cicatrices. 

Pour Yuval Rinkevich, “l’étude donne aux tissus du fascia un nouveau rôle dans la science, ce qui permettra à la communauté scientifique qui travaille sur la guérison des plaies, de se concentrer sur les fibroblastes du fascia, en plus du derme.” Une analyse que partage Donovan Correa-Gallegos, doctorant au Helmholtz Zentrum Munchen et premier auteur de l'étude : “Nos nouvelles découvertes remettent en question et reconfigurent la vision traditionnelle du système matriciel du tissu conjonctif du corps. Cela ouvre la voie à un nouveau concept biologique qui rayonne sur divers aspects des maladies liées aux cicatrices.”