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Immunothérapie

Cancer : renforcer l’immunothérapie des CAR-T cells pour lutter contre les tumeurs « solides »

Par Charlotte Arce

En éliminant les lymphocytes T épuisés, une équipe de chercheurs a constaté que l’immunothérapie à base de CAR-T cells s’avérait plus efficace pour lutter contre les tumeurs "solides" comme les carcinomes et les sarcomes.

selvanegra/iStock

Depuis une dizaine d’années, les chercheurs ont mis au point une thérapie efficace pour lutter contre les formes les plus agressives de cancer comme la leucémie ou le lymphome. Appelée immunothérapie à base de lymphocytes T du récepteur antigénique chimérique (CAR-T cells ou cellules CAR-T, d’après son acronyme anglais), elle consiste à prélever les cellules immunitaires (les lymphocytes T) dans le sang du patient et à les envoyer à un laboratoire.

Par des technologies d’ingénierie cellulaire, les chercheurs modifient alors in vitro le matériel génétique des lymphocytes T afin de les doter d’un récepteur spécifique qui fait office de radar pour reconnaître et attaquer les cellules exprimant l’antigène cible. Le nombre de lymphocytes T ainsi "reprogrammés" est multiplié en laboratoire, puis les cellules modifiées sont réinjectées au patient.

Si cette technique s’avère efficace pour lutter contre les formes "liquides" de cancer, les sarcomes et les carcinomes sont eux plus résistants à ces approches. En cause : la perte progressive de force des lymphocytes T modifiés lorsqu’ils s’infiltrent dans les tumeurs "solides". Cette fatigue cellulaire a été nommée par les immunologistes "épuisement" ou "dysfonctionnement".

Une élimination génétique de deux facteurs

Mais à quoi est-elle due ? Des chercheurs de La Jolla Institute for Immunology, en Californie, se sont posés la question. Dans une série d’articles, ils rapportent avoir découvert que c’est un facteur de transcription appelé NFAT et chargé de réguler l'expression génétique, qui active en "aval" les gènes qui affaiblissent les réponses des cellules T aux tumeurs et donc qui perpétue cette fatigue.

Ils ont aussi découvert qu’en éliminant ces gènes en aval connus sous le nom de NR4A, les cellules CAR-T étaient plus efficaces pour infiltrer et supprimer les tumeurs. Toutefois, les chercheurs ignoraient encore comment le facteur NFAT et les gènes NR4A coopéraient entre eux. C’est désormais chose faite. Dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), ils fournissent une liste plus complète des participants à un vaste réseau d'expression génétique qui établit et maintient l'épuisement des lymphocytes T.

L’équipe, qui a mené ses recherches sur des souris, a découvert que l'élimination génétique de deux nouveaux facteurs, nommés TOX et TOX2, améliore aussi l’élimination des tumeurs "solides" du mélanome dans le modèle CAR-T cells. Ces travaux suggèrent que des interventions comparables visant à cibler les facteurs NR4A et TOX chez les patients pourraient étendre l'utilisation de l'immunothérapie à base de cellules CAR-T aux tumeurs solides.

En inoculant à ces souris des cellules tumorales de mélanome puis, une semaine plus tard, en leur injectant un échantillon de cellules CAR-T génétiquement modifiées pour ne pas exprimer les facteurs TOX et TOX2, les chercheurs ont pu constater une régression des tumeurs de mélanome. Par ailleurs, les souris traitées avec des cellules CAR-T déficientes en TOX ont toutes présenté une "augmentation spectaculaire de survie". Cela suggère donc que l’inhibition des facteurs TOX empêche l’épuisement des lymphocytes T et permet à ces cellules de détruire plus efficacement les tumeurs.

"Actuellement, la thérapie cellulaire CAR-T montre des effets étonnants chez les patients atteints de "tumeurs liquides" comme la leucémie et le lymphome. Mais ils ne fonctionnent toujours pas bien chez les patients atteints de tumeurs solides en raison de l'épuisement des lymphocytes T. Si nous pouvions inhiber TOX ou NR4A en traitant les cellules CAR-T avec une petite molécule, cette stratégie pourrait avoir un fort effet thérapeutique contre les cancers solides comme les mélanomes", conclut Hyungseok Seo, auteur principal de l’étude.