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Biomarqueurs

Cancer du pancréas : des bactéries buccales impliquées dans la forme grave de la maladie

Par Charlotte Arce

La présence de certaines bactéries buccales dans les tumeurs kystiques du pancréas pourrait être associée à une forme plus agressive du cancer.

magicmine/iStock

Rare mais souvent agressif, le cancer du pancréas se caractérise par le développement le plus souvent silencieux de cellules malignes sur le pancréas, qui finissent par former une tumeur, perturbant le fonctionnement de l’organe et de son environnement. Parce qu’il n’engendre pas de symptômes reconnaissables dans les premiers stades de son développement, le cancer du pancréas est aussi l’un des plus mortels. Chaque année, 300 000 personnes en meurent dans le monde.

D’où la nécessité pour les médecins d’établir un diagnostic précoce, avant que le cancer ne soit trop avancé. De nouveaux travaux menés par le Karolinska Institutet en Suède et publiés dans la revue Gut Reports pourraient les mettre sur la voie.

Des bactéries buccales comme biomarqueurs des kystes cancéreux

Selon les auteurs de cette nouvelle étude, la présence de bactéries orales dans les tumeurs pancréatiques kystiques pourrait en effet être associée à la gravité de la tumeur.

Le problème relevé initialement par les chercheurs est que toutes les tumeurs pancréatiques ne sont pas cancéreuses. Il existe en effet des tumeurs pancréatiques dites kystiques dont beaucoup sont bénignes. Or, les médecins rencontrent parfois des difficultés à faire la distinction entre ces tumeurs. Afin d'écarter la possibilité d'un cancer, de nombreux patients subissent donc une intervention chirurgicale, qui mobilise les services médicaux et met leur santé à l’épreuve.

La découverte des chercheurs de l’Institut Karolinska est donc importante : selon eux, la présence de bactéries buccales à l’intérieur des tumeurs pancréatiques kystiques servirait d’indicateur sur la gravité de la tumeur. "Nous trouvons la plupart des bactéries au stade où les kystes commencent à montrer des signes de cancer", explique Margaret Sällberg Chen, auteure de l’étude et conférencière au Département de médecine dentaire de l'Institut Karolinska. "Ce que nous espérons, c'est que cela puisse être utilisé comme biomarqueur pour l'identification précoce des kystes cancéreux qui doivent être enlevés chirurgicalement pour guérir le cancer, ce qui réduira également la quantité de chirurgie inutile des tumeurs bénignes."

Améliorer le diagnostic et le traitement du cancer du pancréas

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont examiné la présence d’ADN bactérien dans le liquide provenant de kystes pancréatiques chez 105 patients. Ils ont ensuite comparé le type et la gravité des tumeurs, ce qui leur a permis de découvrir que le liquide des kystes présentant une dysplasie de haut grade et un cancer contenait beaucoup plus d'ADN bactérien que celui des kystes bénins.

Pour identifier la bactérie, les chercheurs ont séquencé l'ADN de 35 des échantillons qui contenaient de grandes quantités d'ADN bactérien. Ils ont constaté de grandes variations dans la composition bactérienne entre différents individus, mais aussi une plus grande présence de certaines bactéries buccales dans le liquide et les tissus de kystes présentant une dysplasie de haut grade et un cancer. "Nous avons été surpris de trouver des bactéries buccales dans le pancréas, mais ce n'était pas totalement inattendu", affirme le Dr Sällberg Chen. "La bactérie que nous avons identifiée s'est déjà révélée plus élevée dans la salive des patients atteints d'un cancer du pancréas dans une étude plus petite."

Si de nouvelles études sont nécessaires pour corroborer cette conclusion, les chercheurs espèrent que ces travaux permettront de réévaluer le rôle des bactéries dans le développement des kystes pancréatiques et donc d’améliorer le diagnostic. Et s’il est effectivement prouvé que cette bactérie affecte le processus pathologique, cela pourrait mener à de nouvelles stratégies thérapeutiques contre le cancer du pancréas qui utiliseraient des agents antibactériens.