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Dépression, fatigue...

Douleur chronique : bientôt un traitement capable de remplacer les opioïdes ?

Par Charlotte Arce

Chez les personnes souffrant de douleurs chroniques, il n’est pas rare que la douleur physique s’accompagne d’isolement, de dépression ou de fatigue intense. Des chercheurs ont peut-être trouvé un traitement capable d’éliminer ces effets négatifs et qui, à terme, pourrait devenir une alternative aux opioïdes.

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Quiconque a déjà enduré pendant plusieurs jours un mal de dos, une rage de dents ou une terrible migraine peut l’affirmer : la souffrance physique a aussi des répercussions sur la santé mentale.

C’est d’autant plus vrai pour les personnes souffrant de douleurs chroniques qui, en plus de la douleur physique, sont particulièrement vulnérables à la dépression, à la fatigue intense et aux difficultés à dormir. C’est d’ailleurs pour cette raison que les opioïdes créent une telle dépendance chez les personnes souffrant de douleurs chroniques : non seulement ils atténuent leur douleur, mais inhibent aussi toute souffrance psychique en créant un sentiment d’euphorie.

Cibler les aspects émotionnels de la douleur

Des chercheurs de l'École de médecine de l'Université Washington à Saint-Louis sont peut-être sur la voie de découvrir un traitement capable d’atténuer la douleur sans créer ce sentiment d’euphorie. Dans une étude publiée dans la revue Neuron, ils expliquent être parvenus à bloquer les récepteurs du cerveau responsables des composantes émotionnelles de la douleur chez des rats.

"Nous sommes au milieu d'une épidémie d'opioïdes, et l'euphorie associée aux opioïdes est l'un des principaux facteurs de la dépendance aux opioïdes", affirme Jose Moron-Concepcion, professeur agrégé en anesthésiologie, neuroscience et psychiatrie, et auteur principal de l’étude. "En ciblant les aspects émotionnels de la douleur, nous espérons la rendre moins débilitante pour que les patients n'aient pas envie de se défoncer émotionnellement avec les opioïdes."

L’espoir d’une alternative aux opioïdes

Pour mener leurs travaux, les chercheurs ont procédé à une expérience sur des rats de laboratoire. Leur objectif : parvenir à bloquer les récepteurs opioïdes kappa, dont l’activation est à l’origine de la tristesse, de la démotivation, voire de la dépression des personnes souffrant de douleurs chroniques. Ces récepteurs libèrent en effet un neurotransmetteur appelé dynorphine dans une région du cerveau appelée le noyau accumbens, et qui atténue les comportements axés sur les objectifs. Par conséquent, les personnes qui souffrent deviennent moins capables d'éprouver du plaisir avec des activités qu'elles aiment normalement.

Ils ont donc appris aux rongeurs à appuyer sur un levier pour recevoir une récompense sucrée, avant d'injecter à certains d'entre eux une substance qui provoque une inflammation persistante à la patte. En souffrant, ces rats se sont démotivés et ont arrêté d’appuyer sur le levier. "Lorsque les rongeurs éprouvaient de la douleur, ils étaient moins motivés à travailler pour obtenir la récompense", analyse Nicolas Massaly, professeur en anesthésiologie. "C'est souvent la même chose pour les gens qui souffrent et qui n'ont pas autant de plaisir dans leurs activités quotidiennes."

Les chercheurs ont cependant remarqué qu’en traitant les rongeurs avec un composé qui bloque les récepteurs opioïdes kappa dans leur cerveau, ils retrouvaient la motivation et poussaient à nouveau le levier pour obtenir du sucre. "En bloquant la libération de dynorphine, nous avons réussi à rétablir la motivation des animaux malgré le fait que nous n'ayons pas complètement éliminé leur douleur", explique le Pr Massaly.

Si les chercheurs reconnaissent que le chemin est encore long avant la mise au point d’un traitement similaire chez les humains, ils sont optimistes car leurs données préliminaires laissent penser qu'il pourrait être possible d'influencer les récepteurs opioïdes kappa et prévenir la tristesse ainsi que le manque de motivation qui peuvent accompagner la douleur physique. Ces travaux pourraient selon eux, jeter les bases de l'élaboration de nouvelles approches moins toxicomanogènes que les opioïdes pour le traitement de la douleur.