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Maladie auto-immune

Polyarthrite rhumatoïde : il sera bientôt possible de la prévenir

Par le Dr Jean-Paul Marre

Chez les personnes à haut risque de polyarthrite rhumatoïde, un anticorps dirigé contre des cellules immunitaires, les lymphocytes B, retarde très nettement l’apparition des signes cliniques de la maladie. Un premier pas pour sa prévention et une nette amélioration de la compréhension de la maladie.

ChooChin/istock

Dans une étude contrôlée versus placebo, une seule perfusion de 1 000 mg d’un anticorps anti-CD20 (rituximab), dirigé contre les cellules immunitaires à l’origine de la production des anticorps (les lymphocytes B), retarde de 12 mois les premiers signes cliniques de la polyarthrite rhumatoïde, et donc la maladie elle-même.

En plus de donner une piste de traitement préventif pour la maladie rhumatoïde, cette étude bien menée apporte des preuves en faveur du rôle majeur des lymphocytes B dans le déclenchement de la polyarthrite rhumatoïde (rôle pathogénique).

Il existe donc bien une phase préclinique de désordre général auto-immun qui corrobore l'idée selon laquelle la polyarthrite rhumatoïde pourrait débuter ailleurs que dans l'articulation. Cette étude est parue Annals of the Rheumatic Diseases.

Une étude de bonne qualité

Les chercheurs hollandais et suédois ont testé l’intérêt d’une réduction de lymphocyte B chez les personnes à haut risque de développer une polyarthrite rhumatoïde avec auto-anticorps (facteur rhumatoïde ou anticorps anti-peptides citrullinés ou ACPA), mais sans signe clinique de la maladie (phase préclinique). Il s’agissait de 81 personnes sans signe d'arthrite inflammatoire mais avec des arthralgies et, à la fois des anticorps anti-peptides citrullinés et un facteur rhumatoïde.

Elles ont été tirées au sort pour être inclues dans une étude randomisée, en double aveugle, testant soit une perfusion unique de 1000 mg de rituximab, soit un placebo. Elles ont ensuite été suivies pendant 29 mois en moyenne, durée pendant laquelle 30 personnes ont développé une arthrite (37%).

Des résultats très significatifs

A 12 mois de suivi, le risque de développer une polyarthrite dans le groupe placebo est de 40%, et il s'agit donc bien d'une population à risque. Surtout, il est diminué de 55% (HR 0,45 ; IC 95% : 0,154 à 1,322) dans le groupe traité par anticorps anti-CD20. Le traitement par rituximab est donc à l’origine d’un retard de 12 mois dans le développement de la polyarthrite par rapport au placebo (p <0,0001).

Une vitesse de sédimentation élevée et la présence d’anticorps anti-α-énolase peptide 1 citrulliné au début de l’étude seraient des facteurs prédicteurs du développement ultérieurs de l'arthrite.

Un stade préclinique de la PR

Des études antérieures avaient démontré que le facteur rhumatoïde (FR) et les anticorps anti-peptides citrullinés (ACPA) pouvaient être présents dans le sang de certaines personnes plus de 10 ans avant que celles-ci ne développent une polyarthrite rhumatoïde avec auto-anticorps.

Les recherches qui ont conduit à la reconnaissance de cette phase d'auto-immunité générale (systémique) ont non seulement corroboré l'idée selon laquelle le processus conduisant à la maladie pourrait ne pas être initié dans les articulations, mais qu’une action dirigée à ce moment et spécifiquement contre les lymphocytes B pourrait permettre de retarder l'apparition de la maladie voire la stopper.

Le rôle du lymphocyte B

Les études de prévention antérieures de la polyarthrite rhumatoïde avaient utilisé des médicaments à large spectre ou des corticoïdes avec assez peu de succès. Dans cette étude, le traitement a été dirigé spécifiquement contre les lymphocytes B (anticorps anti-CD20).

Elle démontre que les cellules B jouent donc un rôle crucial dans le processus de déclenchement de la maladie mais, outre leur implication dans la production d'immunoglobulines, notamment le facteur rhumatoïde et les ACPA, les cellules B sont des cellules qui sont également capables de présenter l'antigène éventuel à l’origine de la maladie à d'autres cellules immunitaires pour amplifier le processus. Elles peuvent ainsi également activer les cellules lymphocytaires T par co-stimulation et également produire une variété de cytokines.

Fenêtre d’opportunité

Une seule perfusion de rituximab provoque une nette diminution du taux des lymphocytes B pendant plusieurs mois, puis leur taux remonte généralement dans le sang au bout d’un an. Ainsi, dans le cadre du traitement curatif de la polyarthrite rhumatoïde, le traitement par le rituximab à plus forte dose est reconduit en moyenne au bout d’un an.

Ces dernières années, des traitements efficaces ont été mis en place de plus en plus tôt dans la maladie car, outre une protection des articulations contre les lésions osseuses, ce traitement précoce semble à même de modifier l’immunité et le cours évolutif de la maladie : on parle de « fenêtre d’opportunité ».

Avec cette étude, on entre dans une nouvelle ère, celle de la « fenêtre d'opportunité préventive », une période où il serait théoriquement possible de prévenir la maladie rhumatoïde, pendant plusieurs mois, voire pour la vie.

En pratique

Il n’est pas question de rechercher des anticorps spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde chez tout le monde puis de traiter toutes les personnes qui ont ces anticorps par du rituximab, 1000 milligrammes tous les 12 mois. En effet, seules 40% des personnes positives pour les 2 anticorps ont déclaré la maladie au bout de 12 mois de suivi.

Par contre, il est possible de définir des scores permettant de définir les personnes chez lesquelles chercher ces anticorps et, en cas de positivité, de définir un autre score (intégrant la vitesse de sédimentation élevée et la sérologie α-énolase peptide 1 citrulliné) à même de déterminer quelles sont celles qui feront réellement la maladie pour les traiter, avec un anticorps anti-CD20 ou plus probablement un autre traitement moins agressif et plus spécifique des lymphocytes B auto-réactifs. Les études sont déjà en cours.

Au final, la polyarthrite est une maladie auto-immune généralisée qui débute ailleurs que dans les articulations et pour laquelle un traitement préventif est désormais envisageable s’il est dirigé aussi contre les lymphocytes B.