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Regards croisés

Diabète : le point de vue du diabétologue sur l’impact d’une insuffisance rénale

Par Dr Philippe Montereau

La constatation d’une insuffisance rénale change complètement la prise en charge d’un malade diabétique du fait de l’aggravation de pronostic cardiovasculaire qu’elle induit et du fait des changements d’objectifs et des restrictions à l’utilisation de nombre de molécules qu’elle provoque.

Natali_Mis/istock

La survenue d’une atteinte rénale est un tournant dans l’histoire de la maladie diabétique. Cela va bien sûr changer les objectifs thérapeutiques, en imposant des objectifs plus stricts ou plus lâches selon le niveau de fonctionnement des reins. Cela va changer les médicaments que l’on va pouvoir utiliser, car beaucoup sont éliminés par voie rénale et leur dose doit être adaptée. Cela va changer également la façon dont on va surveiller la maladie puisque, à la fois les objectifs et les traitements vont devoir être surveillés différemment.

Un facteur de sur-risque cardiovasculaire

L’altération de la fonction rénale, y compris indépendamment du diabète, est un facteur de risque cardiovasculaire. Pour les diabétologues, ce facteur de risque est majeur : dès qu’un diabétique a une microalbuminurie, les diabétologues considèrent que ce malade est à risque cardiovasculaire élevé ou très élevé. Il faut intensifier le traitement pour prévenir les accidents cardiovasculaire, mais aussi la progression de la maladie rénale.

La microalbuminurie chez le diabétique est donc un marqueur du sur-risque cardiovasculaire mais un bon contrôle de la glycémie, quel que soit le moyen choisi, va ralentir le déclin de la fonction rénale. La révolution de ces dernières années, c’est de s’apercevoir qu’il y a des médicaments qui, indépendamment de la baisse de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) et du contrôle glycémique, vont avoir un effet favorable sur l’évolution de la maladie rénale. C’est le cas de certaines molécules de la classe des agonistes du GLP1 et de celle des inhibiteurs du SGLT2.

Adaptation des objectifs

Face à un diabétique qui a une microalbuminurie, il faut donc adapter les objectifs thérapeutiques en fonction du niveau d’insuffisance rénale. En cas de fonction rénale modérée, l’objectif thérapeutique est d’obtenir une HbA1c à 7% dans les consensus internationaux. Il s’agit en effet de tout faire pour ralentir la dégradation de la fonction des reins et ce ralentissement passe par un contrôle strict.

Par contre, en cas de dégradation importante de la fonction rénale, c’est-à-dire avec une clairance de la créatinine inférieure à 30 millilitres par minute, l’objectif d’HbA1c passe à 8% et cela jusqu’à la dialyse, sous peine d’avoir de mauvaises surprises et des hypoglycémies. Il faut donc clairement intégrer nette notion de la fonction rénale dans la stratégie thérapeutique.

Adaptation des médicaments

L’altération de la fonction rénale pose ensuite des problèmes de stratégie thérapeutique aux diabétologues. Pour toutes les classes médicamenteuses, il y a des adaptations de posologies à faire, sauf pour le dulaglutide, le liraglutide (agonistes du GLP1) et les inhibiteurs des DPPP-4, qui peuvent être utilisés jusqu’à 15 millilitres par minute sans adaptation posologique.

Par contre, il faut adapter la dose de la metformine, l’antidiabétique le plus fréquemment utilisé, et on ne doit pas l’introduire en-dessous de 45 millilitres par minute à cause du risque d’acidose lactique. Par contre, on peut désormais continuer l’utiliser jusqu’à 30 millilitres par minute si elle était déjà prescrite avant la progression de la dégradation de la fonction rénale. Les inhibiteurs du SGLT2 ne doivent pas être utilisés en-dessous de 45 millilitres par minute également. Les sulfamides hypoglycémiants ne doivent pas être utilisés en-dessous de 30 millilitres par minute.

La prise en charge du diabétique qui a une insuffisance rénale, et donc un haut risque cardiovasculaire, nécessite une coopération étroite entre spécialistes avec, autour du généraliste, le cardiologue, le diabétologue et le néphrologue.

L'interview du Pr Emmanuel Disse, diabétologue au CHU de Lyon