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Changement de pratiques

Déchirure du ménisque : l’arthroscopie est réalisée beaucoup trop souvent

Par le Dr Jean-Paul Marre

En cas de déchirure du ménisque d'origine dégénérative, la chirurgie méniscale sous arthroscopie n’apporte aucun bénéfice par rapport à la rééducation. Ce ne doit donc pas être le premier choix de traitement.

edwardolive/epictura

Chez des personnes, âgées de 45 à 70 ans, souffrant d’une déchirure méniscale dégénérative sans signe de blocage du genou, ni instabilité ou arthrose grave, un nouvel essai bien conduit ne montre pas de différence à 2 ans entre rééducation du genou (16 séances sur 6 semaines) et chirurgie ("méniscectomie partielle sous arthroscopie").

Après un suivi de 24 mois, les scores d’évaluation de la capacité fonctionnelle du genou (IKDC) se sont améliorés de 26,2 points dans le groupe chirurgie et de 20,4 points dans le groupe rééducation. La différence n’est pas suffisante pour être cliniquement significative (au moins 8 points au plan statistique) et est donc compatible avec une équivalence des 2 stratégies ("non-infériorité").

Paru dans le JAMA, cet essai qui vient après d’autres, justifie une approche conservatrice initiale par la rééducation en cas de déchirure méniscale dégénérative.

Une intervention trop fréquente

L'arthroscopie du genou est l'une des interventions chirurgicales les plus pratiquées dans le monde. Pourtant, des études IRM montrent que 60% des personnes de plus de 50 ans sans aucune douleur du genou ont des signes IRM évocateurs de dégénérescence méniscale, le plus souvent en présence d'arthrose. Chez ce type de patients, lorsqu’ils souffrent du genou, le défi consistera donc à déterminer la cause réelle de la douleur (cause méniscale, arthrosique ou autre).

Faible bénéfice en cas de dégénérescence simple

Les personnes qui ont une arthrose minime ou légère et une altération du ménisque étaient considérées auparavant comme des candidats à la chirurgie arthroscopique. Des études antérieures comparant arthroscopie et rééducation ont pourtant donné des résultats mitigés.

L’arthroscopie du genou avec résection méniscale partielle est inefficace chez les personnes qui ont une arthrose avérée avec une dégénérescence méniscale non déplacée. Récemment, 6 essais cliniques chez des patients atteints de dégénérescence méniscale simple avec arthrose légère ou modérée, ont tous montré une absence de bénéfice de l’arthroscopie par rapport au traitement non chirurgical ou à la chirurgie simulée et ce jusqu'à 2 ans de suivi post-intervention.

Une analyse systématique de toutes ces études a conclu qu’il existe un bénéfice statistiquement significatif, mais cliniquement non visible. Les avantages de l'arthroscopie sont donc désormais clairement remis en question dans cette population.

Une intervention qui n’est pas sans risque

Alors que l’efficacité de la chirurgie méniscale sous arthroscopie est remise en cause, il n’est pas inintéressant de savoir que cette intervention n’est pas non plus sans risque. Dans le Lancet, une équipe de chercheurs a compilé toutes les complications survenues après arthroscopie du genou dans les hôpitaux en Grande-Bretagne, entre 1997 et 2017.

Globalement, le risque est faible (0,3%), mais il existe quelques complications graves : embolies pulmonaires (0,08%), infections imposant une réintervention chirurgicale (0,13%), surtout en cas d’âge élevé ou de maladie associée. Le risque de mortalité se réduit rapidement entre 1997 et 2017, mais pas le risque d’embolie ou d’infection.

Une réduction des indications en perspectives

Il est important de souligner que la plupart des études négatives ont concerné les déchirures méniscales dégénératives. Les déchirures méniscales traumatiques, déplacées ou bloquantes (déchirure en anse de seau), en particulier chez le sportif jeune, posent un problème thérapeutique totalement différent et l’arthroscopie avec résection méniscale partielle y est cette fois objectivement efficace, même en présence d’une légère arthrose.

Dans les déchirures méniscales dégénératives à partir de la cinquantaine, sans déplacement ni blocages, les chirurgiens orthopédistes et les médecins du sport doivent désormais adopter cette approche non interventionnelle par la rééducation, au moins initialement, et l'intégrer à leur stratégie de traitement. Les preuves scientifiques sont fortement en faveur de cette approche et les recommandations doivent changer.