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Espoir

Diabète de type 2 : bientôt une pilule pour remplacer la chirurgie bariatrique ?

Par Raphaëlle de Tappie

Des chercheurs américains ont mis au point une pilule capable de réduire le taux de glucose dans le sang après un repas. A terme, ils voudraient l'utiliser comme une alternative à la chirurgie bariatrique, qui fait peur à de nombreux patients. 

juststock/iStock

Voilà qui pourrait révolutionner la vie des centaines de millions de personnes souffrant de diabète de type 2 dans le monde. Des scientifiques américains ont mis au point une pilule capable de réduire le taux de glucose qui pénètre dans le système sanguin pendant la digestion. D’après leur étude publiée le 11 juin dans le journal Nature Material, ils voudraient l’utiliser à terme comme une alternative à la chirurgie bariatrique, considérée comme trop invasive par beaucoup de patients.   

Une équipe de chercheurs de Birgham and Women hôpital de Boston et de l’Ecole de Médecine d’Harvard se sont servi d’un médicament utilisé pour traiter les ulcères gastriques pour mettre au point une sorte de poudre capable d’envelopper temporairement la doublure intestinale sans être activé par de l’acide gastrique avant de se dissoudre quelques heures plus tard. Ils l’ont nommée LuCi.

"Nous avons utilisé la bio-ingénérie pour créer une pilule qui adhère bien, peut s’attacher facilement à l’intestin et dont les effets se dissipent après quelques heures", explique le Docteur Yuhan Lee, qui a participé à l’étude. Une fois LuCi conçue, les scientifiques l’ont testée sur des rats. Résultat : alors qu’après un repas le niveau de glucose a tendance à augmenter dans le sang et à rester élevé pendant un moment, une heure après avoir avalé LuCi, celui des rongeurs était réduit de 47%. Qui plus est, la barrière protectrice se dissipait environ trois heures plus tard.  

Prendre la pilule avant les repas 

Forts de ce succès, les chercheurs veulent continuer à tester leur pilule sur des rongeurs afin d’établir ses effets à moyen et long termes et établir s’il serait éventuellement possible de s’en servir pour transmettre des médicaments ou des protéines directement dans l’intestin. "Nous envisageons désormais une pilule que les patients pourraient prendre avant un repas pour recouvrir temporairement l’intestin et ayant ainsi les mêmes effets qu’une opération chirurgicale", poursuit l’auteur principal de l’étude le Professeur Jeff Karp de l’hôpital Birgham and Women à Boston.

Cette découverte pourrait ainsi changer la vie des centaines de millions de personnes atteintes diabète de type 2 dans le monde. En 2011 en France, 4,6% de la population souffrait de diabète et parmi cette proportion, le diabète de type 2 concernait 90% des cas. D’après l’Inserm, ce dernier est provoqué par une élévation prolongée de la concentration de glucose dans le sang (hyperglycémie). Il est donc très courant chez les personnes obèses.

Non traité, le diabète de type 2 peut entraîner des complications graves à long terme. Après plusieurs années de déséquilibre glycémique, le malade souffre de complications au niveau des artères et des microvaissaux du cœur, des reins, des nerfs périphériques et de la rétine, lésés en raison de la concentration excessive et permanente du glucose dans le sang. Ainsi, le diabète entraine des lésions vasculaires qui accélèrent l’athérosclérose, qui provoque des infarctus du myocarde, des AVC ou encore de l’artérite des membres inférieurs. Il peut également être responsable de rétinopathie avec un risque de déficience visuelle voir de cécité, de neuropathies périphériques ou de néphropathies diabétiques.

Peu de malades osent se tourner vers la chirurgie bariatrique  

Selon la Société francophone du diabète, "la chirurgie bariatrique constitue un remarquable traitement du diabète de type 2 (DT2) puisqu’elle est associée à une rémission de la maladie chez 55 à 95 % des patients". Ce pontage gastrique consiste à créer une "poche gastrique" qui pousse la nourriture à contourner une partie importante de l’estomac et de l’intestin grêle et représente l’une "des opérations les plus courantes pour faire perdre du poids" aux personnes obèses, note la nouvelle étude. Toutefois, même si elle améliore drastiquement la qualité de vie des patients et peut venir à bout des diabètes de type 2, peu de malades se penchent vers cette option, d’après le Professeur Ali Tavakkoli, co-auteur du papier.

"Après avoir traité plus de 10 000 personnes, je peux vous dire que les gens ont peur de la chirurgie bariatrique ou de ses conséquences (…) La réalité est que 99,5 % des personnes qui sont de bons candidats à la chirurgie bariatrique n'osent pas aller de l'avant", expliquait notamment le Docteur Michel Gagner, spécialiste en la matière, à la revue LaPresse.ca au début de l’année.

C’est pourquoi, "une pilule qui pourrait avoir les mêmes effets que la chirurgie pourrait être un atout considérable pour les malades et les soignants", conclut l’étude aujourd’hui publiée dans Nature Material.