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Maladie de Still

Une nouvelle molécule pour lutter contre les syndromes auto-inflammatoires graves

Par le Dr Jean-Paul Marre

La maladie de Still est une maladie orpheline grave causée par une dérégulation du système immunitaire « inné » avec une réponse inflammatoire aiguë inadaptée. Une équipe a testé avec succès une nouvelle molécule intéressante, non seulement pour la maladie de Still, mais aussi pour d'autres syndromes auto-inflammatoires rares.

Tharakorn/epictura

La maladie de Still est une maladie orpheline grave qui se manifeste par de fortes fièvres (plus de 39°C), une éruption sur la peau et des douleurs articulaires et/ou musculaires, ainsi qu’une élévation des globules blancs dans le sang, une augmentation de volumes des ganglions et de la rate. Elle est provoquée par une dérégulation du système immunitaire inné à l’origine d’une réponse inflammatoire aiguë.

Une équipe internationale a testé avec succès un inhibiteur spécifique de l'interleukine-18, une protéine impliquée dans la réponse inflammatoire aiguë lors de la maladie de Still, mais aussi d’autres syndromes auto-inflammatoires, souvent graves. Ces résultats encourageants ont été publiés dans la revue Annals of the Rheumatic Diseases. Ils ouvrent la voie à un nouveau type de traitement révolutionnaire, non seulement pour la maladie de Still, mais aussi pour d'autres syndromes auto-inflammatoires rares.

L’interleukine-18 en excès

Dans sa forme adulte, la maladie de Still touche environ 1 personne sur 100 000 chaque année, sa forme infantile serait dix fois plus fréquente.

Cette maladie rare peut prendre différentes formes : une seule crise, plusieurs crises ou chronique, conduisant à des lésions dans plusieurs organes, avec parfois une atteinte du pronostic vital. Alors que la cause est encore inconnue, les patients atteints de la maladie se Still ont un niveau très élevé de petites protéines pro-inflammatoires dont l'interleukine 18 (IL-18), et ce taux fluctue en fonction de l'activité inflammatoire spécifique à cette maladie.

Alors que l'IL-18 est utile pour protéger le corps contre les agents pathogènes externes, une trop grande partie de cette protéine conduit à une suractivation néfaste du système immunitaire, entraînant les divers symptômes présents chez les malades souffrant d’un Still ou d’autres syndromes auto-inflammatoires. Il existe un inhibiteur naturel (« IL-18 binding protein ») dont la fonction est de se lier à l'IL-18 pour former un complexe inactif, mais les personnes atteintes de la maladie de Still produisent plus d'IL-18 que de ses inhibiteurs.

Relance d'une molécule existante

Il y a quelques années, une société pharmaceutique a mis au point une forme injectable de l'inhibiteur de l'IL-18, dans le cadre du traitement contre la polyarthrite rhumatoïde et le psoriasis. Les tests se sont révélés non concluants dans ces maladies, où de nombreuses alternatives existent, et le médicament a été abandonné.

C’est cet inhibiteur de l’IL-18 (tadekinig alpha) qui a été testé dans une étude de face 2 sur 23 maladies de Still, pour la plupart atteints de formes particulièrement réfractaires aux traitements habituels. Les malades ont été répartis en deux groupes : l'un recevant 80 mg et l'autre 160 mg, en trois injections sous-cutanées par semaine pendant 12 semaines.

Il n’y a eu que très peu d'effets secondaires graves, dont un seul était possiblement lié au médicament lui-même. Au plan de l’efficacité, 50% des malades dans les deux groupes ont une réponse au médicament après trois semaines de traitement, et leurs symptômes diminuent significativement au cours des 12 semaines de suivi. A noter que les malades qui n'ont pas eu une réponse avec 80 mg n’ont pas eu de réponse non plus à 160 mg.

Traitement d'autres maladies orphelines

Ces premiers résultats sont extrêmement encourageants et un essai de phase 3 est planifié pour mieux évaluer l’importance de la réponse au médicament dans un essai comparatif. Les malades souffrant atteints d'autres syndromes auto-inflammatoires, également associées à une production dérégulée d'IL-18 et de son inhibiteur, pour lesquels il n'existe pas de protocole de traitement efficace, pourraient également bénéficier de cette molécule.

En témoigne l’essai à titre compassionnel, en 2015, de cet inhibiteur de l’IL-18 chez une petite fille de trois mois résistante à tout traitement. Mourante en soins intensifs, aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration a accordé la permission d'utiliser le médicament et la petite fille a rapidement répondu au traitement. Elle a maintenant 3 ans et peut mener une vie normale avec un traitement au long cours par cet inhibiteur de l'IL-18.