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Génétique

Crispr : derrière les « ciseaux moléculaires », une révolution diagnostique à bas bruit

Par Yvan Pandelé

Alors que tout le monde s’interroge sur l’édition du génome, Crispr a permis la mise au point d’un nouveau test de détection génétique ultra-sensible et rapide.

En quelques années, Crispr-Cas9 est devenu la coqueluche des médias. Les « ciseaux moléculaires », comme ils ont vite été surnommés, offrent des perspectives ébouriffantes dans le domaine de l’ingénierie du génome. De façon (relativement) simple et peu onéreuse, il devient possible de modifier une séquence précise d’ADN, ouvrant la porte à de nouvelles thérapies géniques et à la modification du génome.

Les états généraux de la bioéthique, qui se déroulent en ce moment, n’échapperont pas sans doute à Crispr. Il faut dire que les questions ouvertes par l’édition du génome sont insondables : que ce soit la recherche sur des embryons humains (c’est le cas en Chine et aux États-Unis), la modification de la faune (des moustiques résistants au paludisme) ou le folklore transhumaniste qui commence à prendre forme (avec le « biohacker » Josiah Zayner, par exemple).

Élémentaire, mon cher Crispr

De quoi oublier que Crispr n’est pas qu’un outil de modification du génome : de façon plus prosaïque, et sans doute bien plus utile à court terme, ce système moléculaire issu des bactéries permet aussi de faire du diagnostic génétique avec une sensibilité et une facilité d’emploi jusque-là impensables.

Baptisé Sherlock (Specific High Sensitivity Enzymatic Reporter Unlocking), le dispositif a été dévoilé au printemps dernier par une équipe du Broad Institute, qui rassemble le MIT et Harvard. Grâce à lui, les chercheurs ont pu identifier les virus Zika et de la Dengue dans de la salive et des urines, ou encore détecter des mutations cancérigènes dans des échantillons sanguins.

Un test ultra-sensible

Exposée dans Science il y a peu, la dernière version du dispositif se présente sous la forme de simples bandelettes de papier, façon test de pH. À ceci près qu’elles permettent de détecter n’importe quelle séquence génétique préétablie, et ce pratiquement sans aucune manipulation.

Zhang lab, Broad Institute of MIT and Harvard, tous droits réservés.

Pour ce faire, le dispositif se fonde non pas sur Crispr-Cas9 mais sur une protéine cousine : Crispr-Cas13. Comme sa cousine proche pour l’ADN, elle peut détecter des séquences d’ARN très précises.

Mais à la différence des « ciseaux moléculaires », l’enzyme Cas13 ne fait pas dans la dentelle : une fois la cible détectée, elle s’applique à découper tout l’ARN environnant. Une activité collatérale mise à profit par les chercheurs pour amplifier le signal initial, et pouvoir détecter des quantités infinitésimales de matériel génétique.

Pour moins de un dollar

Sherlock est ainsi capable de détecter des charges virales très faibles et des mutations ponctuelles : il est environ un million de fois plus sensible que la méthode immunologique Elisa couramment employée pour détecter la présence d’anticorps ou d’antigènes, par exemple dans les tests de grossesse ou de VIH. Le tout en moins d’une heure et pour une somme qui s’annonce très modique : moins de 1 dollar, à en croire les membres de l’équipe de recherche.

Il serait ainsi possible de détecter de nouvelles épidémies très facilement dans les pays en voie de développement, de généraliser les biopsies liquides ou encore détecter des gènes d’antibiorésistance chez des bactéries. Une révolution peut-être moins vertigineuse que les fameux « ciseaux moléculaires, mais aux applications incomparables. Le Broad Institute, qui possède la licence, n’a pas caché sa volonté de proposer très rapidement son test sur le marché.