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Intoxication alimentaire

Le botulisme, une maladie rare mais paralysante qui nécessite un traitement précoce

Par le Dr Jean-Paul Marre

Selon le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, le botulisme, cette intoxication alimentaire qui donne des paralysies chez les amateurs de charcuterie maison, n’a pas disparu en France. Il a touché au moins 68 malades entre 2013 et 2016 en France, à partir de 39 plats artisanaux, avec 2 décès.

igordutina/epictura

Jambon cru, terrine de faisant, conserve d'asperge, viande hachée... le fait-maison ou le tout artisanal peut conduire à l'hôpital. Une enquête de Santé Publique France, publiée dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, révèle l’existence de 39 foyers de botulisme et 68 malades en France sur la période 2013-2016. Parmi ces intoxications alimentaires, 15 malades sont sévères (botulisme A et F) et 2 sont décédés. Trois autres foyers et 4 malades sont possibles.
L’aliment responsable a pu être identifié dans la moitié des cas : il s’agissait majoritairement de charcuterie de préparation familiale ou artisanale, jambon crû notamment, et importé dans 3 cas.
Dans les cas suspectés, il s’agissait également de charcuterie familiale ou artisanale le plus souvent, dont un pâté de faisan, une conserve d’asperge et de viande hachée d’origine industrielle dans 2 cas.
Le botulisme, bien que rare en France n’a pas disparu et il sévit encore en Europe centrale, en particulier avec les charcuteries artisanales fréquentes dans ces pays.

Le botulisme est une intoxication potentiellement mortelle

Le botulisme alimentaire est dû à la consommation d’aliments transformés de façon inadéquate. Il s’agit d’une maladie rare mais potentiellement mortelle s’elle n’est pas diagnostiquée rapidement et traitée par une antitoxine.
Il s’agit d’une intoxication d’origine alimentaire, provoquée par l’ingestion de neurotoxines puissantes, les « toxines botuliques », présentes dans les aliments contaminés. Le botulisme ne se transmet donc pas d’une personne à l’autre.
Le botulisme est lié dans la majorité des cas à un « botulisme alimentaire », c’est-à-dire secondaire à la consommation de conserves familiales, mais aussi de produits artisanaux ou de la grande distribution. Les formes de botulisme par infection digestive (botulisme infantile où les signes digestifs sont au premier plan) ou par contamination par blessure (où les signes sont plus tardifs) sont plus rares.

Des aliments contaminés par une toxine

La toxine botulique a été trouvée dans divers aliments, et notamment dans des légumes conservés légèrement acides comme des haricots verts, des épinards, des champignons et des betteraves. Elle peut être trouvée dans du poisson, et notamment du thon en boîte, du poisson fermenté, salé ou fumé, ainsi que dans des produits carnés tels que le jambon et la saucisse. Occasionnellement, des aliments préparés industriellement sont aussi impliqués.
Les aliments mis en cause diffèrent selon les pays les habitudes de consommation et les procédures de conservation locales. En France, la majorité des cas de botulisme correspond à des intoxications alimentaires, par ingestion de la toxine produite par Clostridium botulinum, essentiellement dans des aliments conservés n’ayant pas subi de processus poussé de stérilisation : salaisons, charcuteries ou encore conserves d’origines familiale ou artisanale.

Une toxine résistante à la chaleur

Les spores produites par Clostridium botulinum sont résistantes à la chaleur utilisée habituellement (il faut chauffer à plus de 85° C pendant plus de 5 minutes pour les détruire) et largement présentes dans l’environnement. Même en l’absence d’oxygène, ces spores germent, se développent et excrètent des toxines.
Il existe 7 formes de toxines botuliques distinctes, les types A à G. Quatre de ces formes (les types A, B, E et rarement F) peuvent provoquer le botulisme humain (les A et F sont les plus graves). Les types C, D et E sont à l’origine de maladies chez d’autres mammifères les oiseaux et les poissons.
Les toxines botuliques sont ingérées avec des aliments qui n’ont pas été transformés de façon ad hoc et dans lesquels les bactéries ou leurs spores survivent et produisent des toxines.

Une paralysie descendante

Les symptômes ne sont pas provoqués par la bactérie elle-même, mais par la toxine qu’elle produit, elle même assez résistante à la châleur. Ils apparaissent habituellement en l’espace de 12 à 36 heures (et durent de 4 heures à 8 jours) après l’exposition. En général, les personnes ayant partagé les mêmes aliments manifestent des symptômes identiques, mais avec une sévérité variable.
Les toxines botuliques sont neurotoxiques et agissent donc sur le système nerveux. Le botulisme alimentaire se caractérise par une paralysie flasque descendante et pouvant entraîner une insuffisance respiratoire.
La maladie débute par un trouble de la vue (défaut d’accommodation, vision floue) et une sécheresse de la bouche accompagnée d’un trouble de la déglutition, voire de la parole. Puis apparaît un déficit de la force musculaire des membres, voire une véritable paralysie des muscles. Dans les formes avancées, le tableau clinique évolue vers une paralysie descendante des membres et des muscles respiratoires.
C’est cette insuffisance respiratoire qui peut entraîner le décès.

Le traitement du botulisme est urgent

Le traitement du botulisme est essentiellement celui des symptômes mais il requiert, dans les formes sévères, des soins respiratoires intensifs avec une ventilation assistée pour suppléer la paralysie des muscles respiratoires.
La sérothérapie par anticorps antitoxine botulique est indiquée dans les formes sévères, mais elle n’est efficace que si elle est administrée très précocement, dans les 24 premières heures après l’apparition des premiers symptômes (troubles de la vue). La grande majorité des malades pris en charge sans délai guérissent sans séquelles mais la durée du traitement et de la convalescence peut durer plusieurs mois.
Les antibiotiques n’ont aucune action sur la toxine botulique, et ne sont donc pas prescrits chez l’adulte. Ils sont en revanche nécessaires dans le cas du botulisme infantile, pour détruire la bactérie qui dans ce cas est vivante dans les intestins du nourrisson ou en cas d’infestation directe.
Il existe un vaccin anti-botulique, mais il est réservé aux personnes travaillant en laboratoire car il peut provoquer des effets secondaires importants.

La prévention repose donc sur l’hygiène et la cuisson des aliments

La prévention du botulisme alimentaire repose sur l’hygiène et l’application des bonnes pratiques pour la préparation des aliments, notamment en ce qui concerne le chauffage, la stérilisation et l’hygiène alimentaire, afin de prévenir le développement de Clostridium botulinum et la production de toxine.
On peut le prévenir par l’inactivation de la bactérie et des spores dans les produits ou les conserves stérilisés à la chaleur (par autoclavage à ) ou encore par inhibition de la croissance bactérienne et de la formation de la toxine dans d’autres produits. On peut détruire les formes végétatives de la bactérie par ébullition (plus de 85° C pendant plus de 5 minutes), mais les spores restent viables même après une ébullition de plusieurs heures. On peut néanmoins détruire les spores par des processus à très haute température, comme pour les conserves industrielles. La pasteurisation à chaud industrielle (produits pasteurisés conditionnés sous vide, produits fumés à chaud) peut ne pas suffire pour détruire toutes les spores et la sécurité de ces produits doit donc reposer sur la prévention de la croissance bactérienne et de la production de toxines.
L’effet combiné de la température de réfrigération, de la teneur en sel et/ou des conditions acides empêche le développement des bactéries et la formation de toxines.

En cas de troubles de la vue après avoir mangé des conserves ou des bocaux, il faut donc aller immédiatement à l’hôpital pour mise en route du traitement. Venez si possible avec la conserve suspecte et prévenez les autres personnes qui ont également consommer la conserve.