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Et l’éthique ?

Les raisons d’une greffe de tête fantaisiste

Par Dr Philippe Montereau

Le monde des chirurgiens est effrayé par le retentissement donné aux projets du Professeur Sergio Canavero et ses expérimentations de « greffe de tête », qui peuvent très vite virer au tragique.

Le Dr Sergio Canavero (à droite) en compagnie d'une de ses pairs de l'université de Turin (AGF EDITORIAL/SIPA)
MOTS-CLÉS :

Les critiques sont nombreuses et les réponses pas satisfaisantes…

Un bon plombier… pas encore un électricien

Les expériences rapportées depuis des semaines n’ont en fait montré que la maÏtrise des connexions des vaisseaux sanguins, des muscles et des os, ce que toute équipe chirurgicale maÏtrise depuis des années. Pour le reste de la technique à employer, se sont totalement des suppositions.

Rétablir la motricité… Pas gagné !

Sergio Canavaro prétend que ses chiens à tête greffée gambadaient après les interventions. Et pour cause ! La tête de départ était restée en place et continuait à diriger le corps. La 2e tête ne fonctionnait que parce qu’elle était alimentée en sang, ce qui, on vient de le voir, est une chirurgie simple. Créer ce type de monstre (qui sont euthanasiés dans les 24 heures) a déjà été fait, il y a 50 ans, par des chirurgiens russes.

Donner à la tête humaine le contrôle moteur du corps signifie que les connexions entre les nerfs sont efficaces. On sait – par exemple dans les greffes de mains – parfaitement reconnecter la plupart des terminaisons nerveuses. Mais de là à s’attaquer à TOUTES les connexions supposées par une section complète de moelle épinière, ce qui est impératif dans le rattachement entre une tête et un corps, est comme s’attaquer à la réparation d’un câble de communication entre la France et les Etats-Unis, avec un couteau, un tournevis et de la colle.

C’est à cet égard criminel de donner un espoir insensé aux milliers de tétraplégiques qui souffrent. Heureusement que – sans effets d’annonce – de nombreuses équipes de recherche travaillent sur ce sujet patiemment et sans mégalomanie.

Et la vie du transplanté ?

On sait, depuis les premières greffes et transplantations, que le succès n’est pas dû au geste technique et que les grands chirurgiens parlent avec beaucoup de modestie de l’apport indispensable du traitement anti-rejet. Dans le cas d’une transplantation de tête, on se retrouve dans la totale en ce qui concerne les médicaments anti-rejet qui devront être efficaces pour tous les types de tissus que contient le corps. Un casse-tête immunologique qui, s’il est résolu, rendra la vie difficile à celui qui prendra tous ces médicaments. Effets secondaires garantis. Sans parler de la douleur qui sera probablement intolérable sur l’ensemble du corps.

Transplantation et non pas greffe

Juste pour être précis : Sergio Canavero parle de greffe ; même si la greffe et la transplantation sont des opérations destinées à remplacer une partie du corps humain altérée ou déficiente par un équivalent sain offert par un donneur, transplantation est le terme utilisé pour parler de la greffe d’un organe comme le cœur ou le foie, alors que greffe, signifie que c’est pour parler des tissus, de la moelle osseuse ou la peau.
C’est donc une transplantation qu’il s’apprête à réaliser.

En conclusion, la publicité donnée à cette intervention ne résout pas la plupart des problèmes techniques, et la promotion que le chirurgien italien fait de sa méthode est ressentie, au-delà des querelles de techniciens, comme une insulte éthique par ses confrères. C'est probablement pour cette raison que les expérimentations se déroulent dans l'opacité totale de la médecine chinoise.