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Neurosciences

Comportement : pourquoi les ados prennent-ils autant de risques ?

Par Antoine Costa

Le développement du cortex cérébral a été accusé de provoquer ces comportements risqués. Mais des chercheurs américains proposent une autre explication.

Justin De La Ornellas/Flickr

En vélo ou en scooter, dans leurs relations sociales, face aux drogues, au sexe, aux jeux d'argent et à l’alcool, les adolescents ont une tendance naturelle à la prise de risques. « Les hormones », entend-on souvent, justifiraient cette inconscience et, par la même occasion, la propension des garçons à prendre plus de risques que leurs homologues féminines.

Mais une hypothèse alternative a fait son chemin : celle du développement lent du cortex préfrontal, une zone du cerveau située à l’avant du crâne, derrière le front. Cette zone, associée à la projection dans l’avenir et à l’inhibition, serait immature.

Pas de déficit cérébral

Mais comme souvent en neurosciences, plusieurs hypothèses se chevauchent. Et cette explication ne satisfait pas les chercheurs de l’université de Pennsylvanie. Ils estiment que cette théorie rate le coche, car elle part du postulat que les comportements à risques traduisent l’impulsivité et le manque de contrôle. Eux préfèrent les voir comme l’expression d’une volonté d’explorer le monde.

« Il y a peu encore, on expliquait le comportement pubère par les hormones en ébullition, rappelle Daniel Romer, directeur institut de communication des adolescents à l’université de Pennsylvanie. Maintenant, c’est le retard de développement du cortex préfrontal. Les neuroscientifiques ont été rapides à interpréter ce qui paraît être une caractéristique du développement cérébral comme preuve d’un stéréotype sur les prises de risques des adolescents. Mais ces comportements ne sont pas symptomatiques d’un déficit cérébral. »

Des risques différents

Dans leur article publié dans la revue Developmental cognitive neuroscience, les chercheurs expliquent que cette théorie manque un détail important : les prises de risque ne sont pas toutes les mêmes. Les adolescents ont une attraction accrue pour les nouvelles expériences, parfois en quête de sensations fortes, mais ceux qui recherchent ces sensations ne sont pas nécessairement ceux qui vont se diriger vers les drogues, ou d’autres expériences potentiellement dangereuses. En résumé, le risque n’est pas l’élément qui les attire.

« En réalité, les adolescents manquent d’expérience, explique le Dr Romer. Ils essaient des choses pour la première fois, comme apprendre à conduire. Ils essaient aussi les drogues, décident quoi porter et avec qui sortir. Pour certains jeunes, tout ceci est à l’origine de problèmes. Mais quand vous tentez quelque chose pour la première fois, vous faites parfois des erreurs. Les chercheurs ont interprété cela comme un manque de contrôle alors que pour la plupart des jeunes, c’est simplement de l’exploration. »

Une base de travail

Cette théorie se vérifie sur le plan biologique : la hausse des niveaux de dopamine, souvent associée à cette attirance pour les sensations fortes, serait également impliquée dans la capacité du cerveau à générer du contrôle, et à apprendre des expériences.

Et, même si elle comporte des risques, cette phase a son utilité. Grâce à cette exploration, les adolescents apprennent, se forgent une expérience, et sont par la suite capables de prendre des décisions bien plus compliquées qu’un choix entre plonger ou non depuis une falaise de 15 mètres. Des décisions comme celles d’une orientation professionnelle, d’un travail, d’un achat immobilier…

« Cette période d’apprentissage est difficile pour les parents, à n’en pas douter, poursuit le Dr Romer. Mais elle ne signifie pas pour autant que le cerveau de l’adolescent est, d’une quelconque manière, déficient, ou en manque de contrôle. » Il faudra donc juste que les parents prennent leur mal en patience, en expliquant les dangers et/ou en interdisant. Mais ces comportements sont, finalement, normaux.