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Soins psychiatriques

Prisons : un rapport accablant sur la maison centrale de Château-Thierry

Par Ambre Amias

Un rapport décrit un « exercice de la psychiatrie plus coercitif que soignant et contraire à la déontologie » dans un centre de détention de l’Aisne.

LANCELOT FREDERIC/SIPA

La maison centrale de Château-Thierry (Aisne) fait l’objet d’un rapport accablant de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). Ses émissaires ont visité cette prison à deux reprises en 2015. L’établissement accueille des personnes « inadaptées à la détention ordinaire », mais qui ne sont pas prises en charge en milieu hospitalier.

Le rapport, publié fin juillet, dénonce un « exercice de la psychiatrie plus coercitif que soignant et contraire à la déontologie ». Selon le document, 80 à 90 % des 74 détenus « relèveraient de l'hôpital psychiatrique » s'ils étaient libres en raison de leur état psychotique grave.

Injections forcées

Les contrôleurs ont constaté le recours « fréquent » à une pratique illégale depuis 2011 : les injections forcées, avec l'aide de surveillants équipés de tenues pare-coups et de boucliers. Ils donnent l'exemple d'un patient pour qui une telle piqûre a été « prescrite et réalisée sans qu'un médecin ne l'ait ausculté ni même rencontré ». Un détenu leur a confié : « Je ne dis rien, je ne revendique pas, par crainte d'être piqué ».

Les auteurs du rapport décrivent une équipe sanitaire insuffisante et livrée à elle-même. « Aucun psychiatre n'est présent les mardis, jeudis et vendredis matin », peut-on encore lire.


« Odeurs pestilentielles »

Des photos de cellules jonchées de détritus, occupées par des personnes détenues en état « d'incurie, voire de prostration », incapables d'en assurer l'entretien en raison de leurs troubles mentaux, ont été publiées. Les contrôleurs ont aussi relevé des « odeurs pestilentielles ».

Les ministères concernés ont répondu à ce rapport par des « observations », transmises le 19 juin par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, et le 14 avril par Jean-Jacques Urvoas, alors garde des Sceaux.

La ministre de la Santé souligne qu'elle se heurte à un « facteur de difficulté majeure »: le manque de praticiens dans l'Aisne et la « faible attractivité » du milieu pénitentiaire pour les médecins. Mais elle promet une « présence effective médicale quotidienne » et des « pratiques professionnelles respectueuses du droit des patients ».

Un « protocole » a été établi pour les injections forcées : une personne détenue « en grande agitation et potentiellement dangereuse pour elle-même ou pour autrui » et refusant de prendre un médicament pourra recevoir une « première injection » en prison, qui devra être « concomitante » à une demande d'hospitalisation, assortie d'une demande de soins psychiatriques du préfet.

La situation des détenus atteints de troubles psychiatriques en France fait régulièrement l'objet de publications critiques. Selon l’Observatoire International des Prisons, plus de 20 % des personnes incarcérées sont atteintes de troubles psychotiques. Le taux de pathologies psychiatriques est 20 fois plus élevé en prison que dans la population générale.