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Etude sur le rat

Alcoolisation foetale : deux molécules atténueraient les symptômes

Par Anne-Laure Lebrun

Un antidiabétique et une hormone thyroïdienne permettraient de réduire les troubles cognitifs causés par l'exposition à l'alcool lors de la grossesse.

lucidwaters/epictura

Deux médicaments connus et largement utilisés permettraient d’atténuer, voire de résoudre, les troubles de mémoire et les difficultés d’apprentissage induit par l'exposition  à l’alcool au cours de la grossesse, rapporte une étude parue dans Molecular Psychiatry.

« Nous avons montré qu’il était possible d’intervenir après que l’alcool ait provoqué des dégâts. C’est énorme, s’est réjouie le Pr Eva Redei, responsable des travaux et professeure de psychiatrie à l’université Northwestern (Etats-Unis). Nous avons identifié un potentiel traitement pour les troubles liés à l’alcoolisation fœtale. Aujourd’hui, il n’en existe aucun ».


Hormone thyroïdienne et antidiabétique

Les chercheurs américains sont parvenus à ces résultats encourageants en étudiant des rats et leur progéniture. Ils ont cherché à évaluer l’efficacité de deux médicaments connus : la L-thyroxine, une hormone thyroïdienne, et la metformine, un anti-diabétique. Ils ont choisi ces molécules car la consommation d’alcool au cours de la grossesse diminue la production de cette hormone thyroïdienne chez la mère et l’enfant, et augmente leur glycémie. « Ces changements sont dangereux pour le développement du fœtus et sont en partie la cause des troubles de mémoire et d’apprentissage chez les enfants », a décrit la spécialiste.

Ainsi après avoir donné de l’alcool aux femelles en gestation, les scientifiques ont administré l’un ou l’autre de ces médicaments aux ratons juste après leur naissance. A l’issue d’un traitement de 10 jours, les scientifiques ont laissé les petits rats grandir et se développer.
Des tests de mémoire et d’apprentissage ont été effectués, et les résultats ont été comparés à ceux obtenus par des rats exposés in utero à l’alcool mais non traités. « Nous avons montré qu’à l’âge adulte, les deux médicaments ont réduit les déficits de mémoire ainsi que les modifications moléculaires causées par la consommation d’alcool maternelle », a indiqué le Pr Redei.

Agir sur les gènes

L’équipe de l'université de Northwestern reconnaît qu’elle a été surprise d’observer des résultats similaires avec ces deux médicaments complètement différents. Elle a donc approfondi sa recherche pour comprendre ce qu’ils pouvaient avoir en commun. Les scientifiques ont découvert que ces deux molécules agissaient sur les mêmes gènes codant pour une enzyme appelée méthyltransférase 1. Celle-ci joue un rôle clé dans le développement cérébral.

Et en inhibant cette molécule chez des petits rats non exposés à l’alcool, les chercheurs se sont aperçus que cela provoquait des symptômes proches de l’alcoolisation fœtale. Là aussi, les troubles de mémoire disparaissaient avec la metformine. Avec ce résultat, les chercheurs ont identifié un mécanisme moléculaire par lequel l’alcool altère le développement neurologique des fœtus.


Espoir thérapeutique

Fort de ces travaux, l’équipe de l’université de Northwestern espère pouvoir mener un essai clinique chez l’homme. Si les conclusions sont tout aussi prometteuses, les enfants atteints de troubles liés à l’alcoolisation fœtale pourraient bénéficier d’un traitement. « Les femmes peuvent parfois consommer de l’alcool au début de leur grossesse car elles ignorent encore qu’elles sont enceintes, d’autres n’arrivent pas à arrêter de boire. Si les résultats sont confirmés chez l’homme, ces femmes pourront aider leurs enfants. Bien sûr l’idéal est de ne pas boire une seule goutte d’alcool lors de la grossesse, mais malheureusement ce n’est pas toujours possible. »

Chaque année en France, près de 8 000 enfants sont atteints d'un syndrome d'alcoolisation foetale. En plus des difficultés d’apprentissage, ils peuvent aussi souffrir des troubles du comportement, d’anomalies structurelles du cerveau, de malformations physiques ou de troubles de la vision et de l'audition.