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Différences génétiques

Médecine : les différences hommes-femmes sous-estimées

Par le Dr Sophie Lemonier

Médecine et recherche ont longtemps ignoré les différences entre hommes et femmes. Il est urgent que les essais cliniques et les traitements soient adaptés au sexe.

ridofranz/Epictura
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Autisme, retard mental et tumeurs du cerveau touchent plus les hommes, tandis que Alzheimer, anorexie, ostéoporose ou atteintes de la thyroïde sont plus fréquentes chez les femmes. Les maladies auraient-elles un sexe ? Oui semble-t-il, d’autant plus que des différences biologiques liées aux chromosomes XX et XY apparaissent dès la conception. Puis l’environnement et le genre les renforcent.

Les notions de différences biologiques entre les 2 sexes avec leurs répercussions sur les maladies et leur prise en charge, sont mal connues des médecins et même souvent niées. Pourtant, non seulement certaines pathologies sont plus fréquentes dans un sexe que dans l’autre, mais leurs symptômes ne sont pas tout à fait identiques. L’infarctus du myocarde dans sa phase aiguë en est un bon exemple avec une symptomatologie plutôt « digestive » chez la femme qui amène à un diagnostic plus tardif avec tout ce que cela peut avoir comme conséquence.

Ces notions ne sont pas des convictions de féministes, mais reposent sur de solides études menées depuis plusieurs années. L’Académie Nationale de Médecine en a fait le thème d’une de ses séances pour alerter sur la nécessité d’en tenir compte aussi bien pour les diagnostics que les traitements.

Différences dès la conception

Dès la conception, l’embryon femelle ne se comporte pas comme le mâle : parmi les 23 paires de chromosomes humains, l’une d’entre elles détermine le sexe, XY pour les hommes et XX pour les femmes. Une lettre qui pèse lourd : les différences génétiques sont 15 fois plus importantes entre un homme et une femme qu’entre 2 hommes.

Le sexe influence aussi l’expression des gènes. Dans chacune de nos cellules, environ 30% des gènes s’expriment différemment et cela tient à l’impact des chromosomes sexuels.

De plus, à la sixième semaine de vie embryonnaire, les gonades vont apparaître et avec elles, de petites quantités d’hormones. Les quantités n’ont certes rien à voir avec celles qui seront secrétées lors de la puberté, mais déjà in utero les cellules sont imprégnées par ces hormones.

 

L’épigénétique et le genre activent ou freinent

Notre génome est stable, définitif et identique dans chacune de nos cellules. Mais pour que ces gènes s’expriment, il faut qu’ils soient activés ou réprimés. Et l’environnement, au sens large du terme, influence active ou freine l’activation de ces gènes : c’est l’épigénétique qui étudie ces interactions.

Ajoutons à cela, l’influence du genre : il désigne les rôles, les comportements et attributs différenciés déterminés culturellement par la société qui les considère comme appropriés au masculin et féminin. Et les effets de l’épigénétique sont très difficiles à séparer du genre. Au final, la ressemblance entre un homme et une femme n’est que de 98,5%, soit le même ordre de grandeur qu’entre un humain et un chimpanzé !

 

Retrouver le Pr Claudine Junien dans l'émission La médecine au féminin

La recherche ne doit plus être unisexe

Tous ces éléments nous imposeraient de reconsidérer nos connaissances. Les modèles animaux peuvent y contribuer en constatant par exemple que les femelles sont souvent plus sensibles à la douleur. Lors de lésions nerveuses, les voies de la douleur chez les souris sont différentes chez le mâle et la femelle…

Même constat concernant les médicaments : une étude menée en Allemagne en 2006, avait montré que quel que soit le principe actif testé, les femmes présentent deux fois plus de risques d’effets secondaires que les hommes. Cela tient en partie à la façon dont le médicament est métabolisé dans l’organisme. Ainsi à dose égale, certains somnifères se retrouvent plus concentrés dans le sang féminin que masculin ; les statines augmenteraient de 71% le risque de diabète chez la femme après la ménopause, et l’aspirine serait moins efficace pour diminuer le risque d’infarctus que pour les hommes, mais préviendrait mieux le risque de faire un AVC.

Or actuellement les médicaments sont principalement testés sur les hommes. Et dans ce domaine, la France accuse un lourd retard par rapport à d’autres pays européens (Allemagne, Hollande, Suède, Italie) où la médecine est abordée sur la double approche sexe et genre. Et aux Etats-Unis, le NIH (National Institute of Health) vient d’annoncer sa nouvelle politique pour le financement de la recherche : pour être financé, il va désormais falloir inclure les 2