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Etude sur 720 000 patients

Cancer : plus de blessures autour de l’annonce du diagnostic

Par Audrey Vaugrente

L'annonce d'un cancer peut avoir de lourdes conséquences pour le patient. Le risque de blessures, volontaires ou non, augmente autour de cette période critique.

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Le cancer fragilise le corps, et l’esprit. Autour de la période d’annonce du diagnostic, les blessures se font plus fréquentes, qu’elles soient liées ou non au soin. Une étude du Karolinska Institutet (Suède) le souligne dans le British Medical Journal. Cette vulnérabilité devrait faire l’objet d’un suivi attentif de la part des équipes médicales spécialisées.

Parmi les personnes atteintes de cancer, les blessures constituent la première cause de mortalité non liée à la maladie. Afin de mieux comprendre le rôle du diagnostic dans ces incidents, les chercheurs ont analysé les dossiers de 720 000 Suédois. Une période de 16 semaines a servi à l’étude. Une période d’un an précédant l’annonce a été ajoutée, dans le but de contrôler la solidité des résultats. Au total, 15 000 blessures suffisamment sévères pour justifier une admission à l’hôpital ont été relevées.

Des incidents liés aux soins

Une part non négligeable de ces incidents est décrite comme « iatrogénique », c’est-à-dire liée à la prise en charge médicale. Une hausse marquée survient dans la quinzaine qui précède l’annonce du cancer et celle qui suit. 0,2 % des malades sont concernés avant, contre 1 % dans cette fenêtre de temps. Certains patients sont plus exposés en fonction de l’organe atteint par une tumeur. Celles localisées au niveau du système nerveux central s’accompagnent ainsi davantage de complications dans cette période, contrairement aux mélanomes. Passée cette période de « pic », le risque de blessures sérieuses recule progressivement.

Les patients jeunes, ou dont le diagnostic était tardif, semblent plus faire les frais de leur prise en charge et de ses effets indésirables. Infections, complications de blessures précédentes ou saignements sont les incidents les plus souvent signalés. Les techniques invasives de diagnostic et de traitement peuvent expliquer ce phénomène.

Dans un éditorial associé, trois spécialistes se réapproprient la célèbre maxime de Virgile : la maladie aggrave le traitement. « Dans cet article, Qing Shen et ses confrères élargissent cette affirmation : la maladie s’aggrave avec le diagnostic », écrivent Holly Prigerson, Susan Vaughan et Wendy Lichtenthal.

Le stress de l’annonce

Mais l’annonce même d’un cancer peut fortement perturber le quotidien. Il n’est donc pas étonnant d’observer, dans les 4 semaines précédant le diagnostic et 2 semaines après, une hausse des autres incidents et ceux dans tous les types de tumeur. Ce sont cette fois les patients âgés ou au faible niveau socio-économique qui en souffrent le plus.

L’inquiétude d’un possible cancer et le stress qui l’accompagne expliquent sans doute les blessures non volontaires. Mais même après l’annonce fatidique, ces incidents persistent, même s’ils reculent légèrement. Une inversion des courbes survient alors avec les blessures intentionnelles, qui se font plus fréquentes. Le stress intervient là aussi, ce qui explique en partie pourquoi les personnes souffrant déjà de troubles psychiques sont plus exposées. Mais comme le précisent les auteurs de l’éditorial, certains patients isolés peuvent se sentir encore plus seuls et envisager le suicide comme une solution préférable au cancer.

Pour ces trois signataires, un mécanisme intéressant émerge. Il devrait, selon eux, pousser les oncologues à prêter davantage d’attention aux répercussions de l’annonce d’un cancer, à la fois sur la santé physique et sur la santé psychique. « Les efforts de prévention devraient inclure des recommandations à destination des patients dans l’attente d’un diagnostic, afin qu’ils prennent du recul, et fassent attention à leur environnement », suggèrent-elles. En France, certains services de cancérologie proposent des consultations psychologiques tout au long de la prise en charge.

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