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Ictère du nouveau-né

Jaunisse : la photothérapie augmenterait le risque de leucémie

Par Anne-Laure Lebrun

Les nouveau-nés traités par photothérapie pour une jaunisse auraient 1,6 fois plus de risques de développer une leucémie dans l'enfance.

Katherine C. Cohen, Boston Children's Hospital

Le traitement de la jaunisse du nouveau-né par la lumière bleue favoriserait le développement de cancers pédiatriques, selon deux études d’ampleur menée par des chercheurs de l’université de Californie et publiées ce lundi dans la revue Pediatrics.

L’ictère du nouveau-né résulte d’une augmentation du taux de bilirubine dans l’organisme. Cette molécule est un pigment jaune produit par la dégradation des globules rouges. Après avoir été capté par la rate, la bilirubine est envoyée au foie puis excrétée par le tube digestif dans les selles et les urines. Chez le nouveau-né, le taux de cette protéine peut être augmentée car le foie est immature et n’arrive pas à l’éliminer. Conséquence : la peau jaunit, les selles deviennent pâles et les urines foncent.


Un risque multiplié par 1,6

Cette maladie est fréquente chez le nouveau-né. Elle survient, en effet, chez 60 % des bébés nés à terme au 2ème ou 3ème jour de vie. Il peut être modéré et disparaître sans traitement dans les 10 premiers jours. Mais pour certains bébés, l’ictère doit être pris en charge car une augmentation trop importante de la bilirubine peut être toxique pour le cerveau de l’enfant. Il n’existe pas de médicaments mais un traitement très efficace par lumière bleue appelé photothérapie.

Un traitement qui pourrait cependant entraîner de lourdes conséquences, selon deux récentes études. La première s’est appuyée sur les dossiers médicaux d’enfants nés ente 1998 et 2007 en Californie. Elle montre que les enfants traités par photothérapie ont un risque multiplié par 1,6 de souffrir de leucémie aigüe myéloïde (LAM). Le risque de néphroblastome, la plus fréquente des tumeurs rénales malignes chez l'enfant, est lui aussi augmenté par le traitement par lumière. La deuxième étude, réalisée auprès de 500 000 enfants nés entre 1995 et 2011, corrobore les résultats de la première étude. Dans ces deux publications, l’association entre la photothérapie et l’apparition d’un cancer pédiatrique est plus forte chez les enfants atteints du syndrome de Down, aussi appelée Trisomie 21. Ces derniers sont d’ailleurs déjà connus pour être plus à risque de leucémie, soulignent les auteurs.


Prescrire avec précaution

Ces travaux révèlent par ailleurs que la photothérapie est de plus en plus utilisée, notamment grâce à un meilleur accès dans les unités pédiatriques mais également à domicile. En 2011, 16 % des bébés ont reçu une photothérapie contre 3 % en 1995.

Dans un éditorial accompagnant ces études, le Dr Lindsay Frazier, une oncologue pédiatre du Centre Dana-Farber de cancérologie pédiatrique à Boston souligne que ces travaux ne prouvent pas que la photothérapie est la cause de ces cancers, mais « qu’ils devraient suffire à nous faire réfléchir » ajoutant que « ce traitement ne devrait pas être présenté comme sans risques ». L’inquiétude de la spécialiste est par ailleurs nourrie par la hausse des enfants traités. Néanmoins, le Dr Lindsay Frazier rappelle que les dégâts cérébraux et la perte auditive sont des conséquences réelles d’un ictère du nouveau-né non traité. Abandonner le seul traitement efficace est donc loin d’être évoqué. Elle estime, cependant, que les médecins devraient faire preuve de précaution en prescrivant la photothérapie en s’assurant que seuls les enfants qui en ont vraiment besoin en bénéficient.