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Actes redondants, équipements, postes vacants

Imagerie médicale : le réquisitoire de la Cour des comptes

Par Julian Prial

En plus d'équipements mal répartis, l'imagerie médicale souffre de la division entre public et privé. L'hôpital fait face à un grand nombre de postes vacants, selon la Cour des comptes.  

SimpleFoto/epictura

Les dépenses à la charge de l’Assurance maladie générées par l’imagerie médicale (radiographie, scanographie, échographie, IRM, scintigraphie) sont estimées chaque année à près de 6 milliards d'euros. Une ardoise salée qui pourrait être bien mieux employée, d'après la Cour des comptes. Dans un rapport publié ce mercredi, les Sages de la rue Cambon (Paris) dressent un tableau noir de l'état de l'imagerie médicale en France.  

Pour commencer, ils relèvent des ressources humaines avec de « forts déséquilibres ». Les trois quarts des 8 500 médecins radiologues sont en effet en exercice libéral ou mixte, et un quart seulement sont des salariés hospitaliers. La proportion est de 60/40 pour les 700 médecins nucléaires. Et pour aggraver encore le problème, le rapport dénonce une répartition géographique « très inégale », avec des médecins radiologues libéraux qui sont proportionnellement plus nombreux dans les régions méridionales et à Paris, et des praticiens hospitaliers (PH) relativement concentrés en CHU/CHR (37,5 % des PH temps plein et la moitié des PH temps partiel).

Près de 40 % de postes de PH vacants 

A cela, il faut encore ajouter un très grand nombre de vacances de postes de praticiens dans la spécialité (près de 40 % de postes de PH temps plein vacants) au sein du secteur hospitalier public. Enfin, ce dernier souffre aussi du taux de démission « de loin le plus élevé de l’ensemble des spécialités médicales (39 % des causes de sortie définitive du corps en 2014 contre 14 %, toutes spécialités confondues) ».

Ce constat, les auteurs l'expliquent notamment par un différentiel de rémunération important par rapport à l’exercice libéral et par les contraintes pesant sur l’exercice hospitalier : « telles que la permanence des soins, mais également la lourdeur de son fonctionnement, qui désorganise sur de nombreux territoires les plateaux techniques d’imagerie médicale hospitalière ».

Des équipements mal répartis  

Par ailleurs, la Cour des comptes note des « disparités importantes dans la répartition des équipements ». Ainsi, la Haute-Saône compte un seul IRM pour 250 000 habitants (soit 4,17 IRM pour un million d’habitants) contre une IRM pour moins de 40 000 habitants à Paris (27,66 IRM pour un million d’habitants). Et certains territoires généralement considérés comme attractifs (Alpes-Maritimes ou Loire-Atlantique) avec environ 10 IRM présentent même aujourd'hui des densités très inférieures à la moyenne nationale, alors que des départements ruraux (Vienne ou Haute-Marne) présentent des densités supérieures, avec plus de 16 IRM.

« Ces fortes disparités ne semblent correspondre à aucune situation objectivée en termes de besoins de santé », précisent les auteurs.

Ainsi, selon l’étude annuelle réalisée pour l’association Imagerie Santé Avenir (ISA) par le cabinet CemkaEval, sur la période 2004-2015, le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous d’IRM s’est certes réduit de près de 6 jours (- 16 %), passant de 36 jours à 30,3 jours, mais il varie fortement d’une région à l’autre : 19,7 jours en Île-de-France contre 61,2 jours en Alsace en 2015.

40 % d’examens redondants

Enfin, le manque d'échanges d'information entre les centres d'imagerie privés et publics occasionne des actes redondants, coûteux pour le système. Si les hôpitaux archivent dorénavant les résultats des examens, les systèmes informatiques ne sont pas toujours compatibles entre deux établissements. Dans ce cas, le patient est parfois contraint de refaire la série d'examens. Même problème d'interopérabilité avec le secteur libéral. Au final, 40 % des actes d'imageries seraient redondants, estiment ces experts. 

Pour mieux adapter les moyens aux besoins, la Cour préconise d’agir concomitamment sur trois leviers : « améliorer la pertinence des actes et favoriser l’innovation en réallouant des ressources, réorganiser l’offre autour de mutualisations entre établissements de santé ainsi qu’entre secteur hospitalier et secteur libéral et, enfin, revaloriser l’imagerie hospitalière en introduisant plus de souplesse dans l’exercice des fonctions et dans les pratiques ». La Cour formule en ce sens huit recommandations