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Morts subites

Basket : une étude scrute le cœur des joueurs de la NBA

Par Jonathan Herchkovitch

Les morts subites ne sont pas rares dans le basket. Des chercheurs ont analysé, pour la première fois, les caractéristiques cardiaques des basketteurs de la NBA.

Channing Frye (à droite), dont le transfert vers les Cleveland Cavaliers a été retardé suite au dépistage d'une hypertrophie cardiaque. (AP Photo/John Bazemore)

Tous les fans de basket se souviennent de Reggie Lewis, joueur des Boston Celtics, mort en plein match le 27 juillet 1993 à seulement 27 ans, au sommet de sa carrière. La mort subite du sportif concerne toutes les disciplines, mais son incidence chez les basketteurs bat tous les records. Pourtant, aucune étude spécifique ne s’était encore intéressée à eux. En collaboration avec l’association américaine de basket-ball (NBA), des chercheurs de l’université de Columbia, près de New York, ont étudié en détail le cœur de 526 basketteurs évoluant en NBA pendant les saisons 2013-2014 et 2014-2015.

Cette étude tombe à pic, alors que le transfert chaotique de Channing Frye (en photo) vers les Cleveland Cavaliers a rappelé le dilemme auquel les clubs font face. Lorsque certaines pathologies a priori mineures surgissent à l’examen médical, ils doivent faire un choix : signer le joueur en prenant peut-être un risque pour sa santé – et au passage un énorme risque financier –, ou refuser le transfert pour raisons médicales, quitte à mettre un terme à la carrière du joueur sans raison réellement étayée.

2 mètres en moyenne

Pour les aider dans ce choix, les médecins des clubs ont besoin de mieux discriminer le normal du pathologique chez des athlètes à la taille démesurée, deux mètres en moyenne. Par ailleurs, trois quarts des joueurs de la NBA sont d'origine afro-américaine, une population sujette aux problèmes cardiaques.

« On savait déjà qu’il y avait quelques différences de morphologie cardiaque entre les athlètes caucasiens et ceux d’origine africaine ou des Caraïbes, dont les parois du cœur sont plus épaisses, explique le Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport à l’hôpital Pontchaillou à Rennes. Mais cette étude apporte des informations spécifiques sur une population aussi particulière que les basketteurs, et nous en avions bien besoin. »

 

Une description mais pas vraiment d’explication

Les auteurs espèrent que leurs travaux permettront d’identifier plus facilement et de mieux comprendre les risques spécifiques pour les joueurs de basket et les athlètes de grande taille. « Nous avons compilé une base de données de toutes les dimensions cardiaques, explique le Dr Engel, responsable de l’étude. Les informations que nous avons réunies serviront de base de travail pour les praticiens s’occupant de basketteurs. » Les médecins du sport pourront ainsi définir des stratégies de prévention mieux adaptées.

Finalement, malgré leur taille importante, les différences avec d’autres sportifs de haut niveau ne sont pas significatives. Les joueurs de NBA présentaient une hypertrophie ventriculaire gauche – une augmentation de l’épaisseur de l’une des parois du cœur – dans 27% des cas, une proportion qui n’aurait rien d’anormal chez les sportifs de haut niveau, conclut l’étude.

Pourquoi alors l’incidence de mort subite est-elle aussi importante chez les basketteurs ? Faute de répondre à cette question, l’étude propose une description d’un cœur « normal » de basketteur, qui permettra de mieux discerner les pathologies chez les joueurs concernés.

 

1 200 morts en France par an

Selon une estimation du Pr Carré, tous les ans, en France, environ 1 200 personnes meurent en pratiquant un sport, dont 100 à 200 ont moins de 35 ans. Parmi eux, dans 60 à 80% des cas, une anomalie aurait pu être détectée par un électrocardiogramme.

Pour une pratique sportive dans des structures « amateur », un simple certificat du médecin traitant est requis à chaque début de saison. Malheureusement, cet examen est parfois expédié et laisse passer des pathologies dangereuses pour une pratique intensive. Les sportifs de haut niveau doivent consulter spécifiquement un médecin du sport qui fera un électrocardiogramme. Ils doivent aussi subir une échocardiographie une fois dans leur carrière et effectuer une épreuve d’effort tous les cinq ans.

 

Un électrocardiogramme pour réduire les risques

Les autorités françaises réfléchissent justement à une modification de la procédure autorisant la pratique d’un sport en compétition amateur. « D’après une étude préliminaire que nous avons réalisée, l’échographie et l’épreuve d’effort n’apporteraient pas une plus-value significative pour la détection de problèmes cardiaques entraînant la mort subite, explique le Pr Carré. Un examen classique avec un interrogatoire poussé et un électrocardiogramme serait la combinaison la plus efficace ».

La Société française de cardiologie recommande le maintien des visites chez le généraliste ou un médecin du sport, et pas nécessairement chez un cardiologue. Mais cette visite, qui pourrait être moins fréquente, devrait s’accompagner d’un électrocardiogramme systématique.