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Muscle, règles transgressées, manque de récupération…

Coupe du monde de rugby : les raisons de l'hécatombe de blessures

Par Bruno Martrette

Depuis le début de la Coupe du Monde de rugby, 19 joueurs ont abandonné l'épreuve sur blessure. Des morphologies qui ont changé et une cadence de matchs infernale expliquent cela. 

/NEWSCOM/SIPA

Certains la comparent à une boucherie, d'autres parlent plutôt d'une hécatombe de blessés. Ces mots forts ne sont pas ceux qui décrivent une scène de combat mais simplement la Coupe du monde de rugby 2015.
Organisée en Angleterre et au Pays de Galles (du 18 septembre au 31 octobre), 19 joueurs blessés ont en effet quitté la compétition après seulement 30 matchs.
Plus en détails, on répertorie deux mâchoires fracturées, sept genoux abîmés, des pectoraux déchirés, etc, un bilan étonnant qui dépasse d'ores et déjà celui du Mondial 2011 en Nouvelle-Zélande où 15 joueurs seulement avaient quitté prématurément leurs coéquipiers sur blessure.

A la veille du match du XV de France face à l'Irlande, Pourquoidocteur a voulu comprendre cette évolution. Le Dr Jean-Jacques Galouye, président de la Commission médicale du Comité de rugby Midi-Pyrénées, nous a éclairés sur les raisons de ce chaos et les solutions à y apporter.
 

Ce chiffre de 19 joueurs forfaits vous étonne-t-il ?
Dr Jean-Jacques Galouye : Non, je ne suis pas surpris. Je pense qu'il y a plusieurs éléments qui interviennent pour l'expliquer. D'abord, la fatigabilité des joueurs est importante. Ils sortent pour beaucoup d'une saison pleine avec des séquences trop rapprochées entre le championnat national, la Coupe d'Europe, et maintenant la Coupe du monde.
Malgré la préparation et des effectifs qui tournent, les rugbymen jouent trop, c'est certain. Prenez l'exemple des Japonais qui ont eu deux matchs en 3 jours, cela n'est pas raisonnable. Le temps de récupération devrait être au minimum de 5 jours. 
L'évolution du jeu fait que les temps de jeu sont plus longs et qu'il y a moins de pénalités et de touches qu'avant. Du coup, les impacts sont de plus en plus importants, et quasi sans temps morts pendant une rencontre. Si l'on ajoute à cela l'augmentation des poids et des morphotypes des joueurs, le nombre de blessures qui augmente n'est pas du tout surprenant.

Cette masse musculaire plus importante favorise-t-elle certaines blessures ?
Dr Jean-Jacques Galouye : En effet, alors la force musculaire des joueurs croît, les éléments tendineux restent plus ou moins les mêmes. Cela fait que le tendon est soumis à davantage de tractions et de tensions qu'auparavant, lorsque les joueurs pesaient 20 kilos de moins. Sur un squelette, des muscles, et des tendons déjà fatigués, ce n'est pas étonnant que le corps explose.

La prévention des blessures ne passe-t-elle pas par les jeunes ?
Dr Jean-Jacques Galouye : Je crois que oui. Même si je vous assure qu'on fait déjà beaucoup de choses à ce sujet dans les écoles de rugby. Par exemple, d'emblée, on apprend aux plus petits à se tenir en mêlée. Pareil pour le plaquage, ce geste doit rester correct. On rappelle inlassablement aux jeunes que ça se passe dans le haut des jambes, et pas dans le haut du corps comme ils le voient parfois à la télé.
Si, à l'avenir, le rugby reste dans les limites de la correction, je pense qu'il y aura une évolution positive. Après, qu'il se joue à XV ou à XIII, il reste un sport de contact et, par définition, il peut être dangereux.   

Faut-il faire évoluer les règles ? 
Dr Jean-Jaques Galouye : Je pense que les règles existent et qu'il faut surtout que les arbitres les appliquent parfaitement. Les joueurs qui peuvent avoir des comportements un petit peu déplacés, dans leur agressivité ou leurs plaquages, doivent être sanctionnés plus sévèrement. C'est à ce niveau là qu'il faut travailler pour que ces sportifs ne subissent plus des plaquages hauts, très dangereux. Mais ce n'est qu'un exemple.
Je pense aussi au ruck (1), ou mêlée ouverte, dans lequel les joueurs ne doivent plus plonger sur un homme au sol. A l'avenir, je plaide pour que cela soit sanctionné d'un carton jaune systématique. 

(1) Regroupement spontané dans lequel des joueurs d’équipes adverses se tiennent debout, se poussent les uns les autres et luttent au pied pour la possession du ballon à terre.