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Santé mentale

Les généralistes débordés par la dépression des patients

Par Mathias Germain

Avec la crise économique, les consultations pour dépression se multiplient. Selon une étude,  les généralistes sont parfois amenés à prescrire des médicaments là où des pscychothérapies seraient plus efficaces.

HOUIN GERARD/SIPA

Face à la dépression, les médecins généralistes sont en première ligne. Les deux tiers d’entre eux déclarent être confrontés chaque semaine à la souffrance psychique de la population. C’est le constat d’une étude commandée par le ministère de la santé (DREES). 82 % des médecins interrogés lors de cette enquête réalisée fin 2011, évoquent des personnes souffrant d’anxiété, et 67% de dépression. Les tendances suicidaires sont aussi fréquentes en médecine de ville. Au cours des cinq dernières années, huit médecins sur dix ont été confrontés à une tentative de suicide et près de la moitié à un suicide. « Ces résultats soulignent le rôle essentiel dans le dépistage et la prise en charge de ces troubles », souligne le Dr Pierre Verger, épidémiologiste et co-auteur de l’étude.

Mais les généralistes peuvent-ils faire face ? « Neuf médecins sur dix s’estiment efficaces dans la prise en charge de la dépression », notent les auteurs. Ils disposent d’un choix de traitements efficaces de la dépression dont les antidépresseurs et les psychothérapies.

Cependant, d’après l’enquête, les généralistes ne suivent pas toujours les recommandations en vigueur, notamment celles de la Haute Autorité de Santé. Ils ont toujours la main trop lourde sur les prescriptions de médicaments. Lors de l’enquête, il leur a été soumis un cas ficitf de dépression, et dans les deux tiers des cas, les médecins interrogés proposent un antidépresseur, même pour des dépressions légères. « Pourtant l’efficacité de ces médicaments n’a pas été démontrée dans le traitement des dépressions légères », rappelle le Dr Pierre Verger.
Autre résultat de l’enquête, près de sept médecins sur dix prescrivent un antidépresseur avec un anxiolytique ou un hypnotique lorsque la dépression est sévère alors que ce n’est pas toujours nécessaire. Cette combinaison de médicament n’est recommandée que lorsque la personne manifeste de l’agitation ou des troubles du sommeil marqués…


Pour Patrick Jeannot, le président de l’association France Dépression, ces résultats ne sont pas vraiment une surprise. « Il faut d’abord souligner un point positif, que les malades fassent la démarche d’aller chez un médecin, c’est encourageant. La dépression est encore une maladie taboue, s’alarme Patrick Jeannot. Les gens n’osent pas en parler pour deux raisons :  la peur de la maladie mentale elle-même, le jugement de l’entourage familial et professionnel. » Ensuite, sur les choix de prescription, tout ne repose pas sur les épaules du médecin. Selon lui, les patients peuvent aussi être un peu trop insistants pour avoir des médicaments et trop souvent réticents à suivre une psychothérapie.


Ecouter Patrick Jeannot
, président de France Dépression, « Trop de médicaments.., c’est aussi la faute des patients. »

 

Pourquoi les psychothérapies sont moins prescrites ? Selon l’enquête, la majorité des médecins reconnaissent l’efficacité de traitement non médicamenteux pour traiter la dépression. Mais ils soulignent plusieurs freins.  « Le plus fréquement cité est le non remboursement des consultations avec un psychologue ou un psychothérapeute non médecin », précisent les auteurs de l’enquête.

Les préjugés des médecins limitent aussi la prescription de psychothérapie. Les deux tiers des médecins interrogés déclarent que les psychothérapies conviennent davantage aux malades ayant un niveau d’éducation élevé. L’organisation des soins est aussi en question. L’accès aux spécialistes, comme les psychiatres, posent aussi problème. 79 % des généralistes jugent les délais d’obtention de rendez-vous trop longs. « Une situation qui s’aggravera avec la démographie professionnelle, car le grand problème qui se profile c’est le départ à la retraite des psychiatres », estime le président de France Dépression.

« Faire en sorte que le parcours de soins des personnes dépressives soit plus facile et mieux coordonné est une problématique en cours de débat en région, témoigne Patrick Jeannot. La plupart des agences régionales de santé, comme celle de la région Centre ou du Nord-Pas-de-Calais ont mis en priorité le renforcement de la prévention et l’amélioration de la prise en charge. « Cela ne se fera pas d’un coup de baguette magique, ça prend du temps », explique  Patrick Jeannot,  mais pour cet ancien dépressif, il y a urgence : la crise économique a des conséquences sur la santé mentale de la population. « J’anime régulièrement des groupes de paroles entre malades, et je constate qu’il y a de plus en plus de personnes qui sont là, suite à du harcèlement au travail, suite à des licenciements, des faillites. » Et la priorité avant le traitement, c’est l’écoute, l’empathie pour que cette maladie ne devienne pas une double peine.


Ecouter Patrick Jeannot
, « Quand on a cette maladie, c’est la double peine. »