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Cancers

Séquençage des tumeurs: la révolution pour demain

Par Melanie Gomez

En 2015,  toutes les données génétiques de n’importe quelle tumeur seront connues, selon le Dr Laurent Alexandre. Le cancer pourrait alors être traité de façon totalement personnalisée.

SUPERSTOCK/SIPA

4 heures, 1 technicien et environ 1000 dollars, c’est ce qu’il faut aujourd’hui, pour savoir à coup sûr, si tel ou tel traitement contre le cancer fonctionnera sur la tumeur d’un individu. Le Dr Laurent Alexandre est chirurgien urologue et président de la société DNAVison spécialisée dans le séquençage des tumeurs. Il en est convaincu, la cancérologie de demain va être bouleversée par l'analyse de génome : « Les cancers sont héréditaires dans seulement 10% des cas. En revanche, tous les autres sont génétiques, à cause d’une instabilité  de notre ADN  souvent provoquée par des facteurs environnementaux comme le tabac, l’alcool ou encore le soleil.  Autrement dit, le cancer est toujours une maladie de l’ADN qui est généralement acquise». L'ADN qui compose nos 23 paires de chromosomes contient toutes les  informations qui nous permettent de vivre et de nous reproduire. Le séquençage de notre génome revient donc à dresser notre carte d'identité la plus intime.

Ecoutez le Dr Laurent Alexandre, chirurgien urologue et président de DNAVison : « Le cancérologue va entrer dans le monde de l’astrophysique ». 



Actuellement, on sait qu’une chimiothérapie n’agit que si la tumeur a un certain nombre de variations génétiques dans son ADN propre. « On sait juste dire, statistiquement, que tel traitement anticancéreux va marcher dans 30% des cas de cancer du rein, par exemple, ajoute Laurent Alexandre. Mais il est impossible de dire à un patient à titre individuel, si son cancer à lui, va répondre ou pas » .

D’après l’Institut National du Cancer (INCa), la thérapie ciblée a déjà bien commencé. Dans plusieurs cancers,  les médecins peuvent déjà détecter un certain nombre d’anomalies génétiques d’une tumeur et proposer un traitement personnalisé . La France n’est pas en retard, au contraire, elle est même engagée depuis 2008 dans un programme de recherche appelé le Consortium international de génomique du cancer. Sur le terrain, c’est même déjà palpable. L’INCa finance et encadre déjà 28 plateformes régionales capables de réaliser une trentaine de tests moléculaires déterminant le meilleur traitement anticancéreux pour un patient donné. « Pour le moment on ne peut décoder qu’une trentaine de gènes, mais dans les 2 ans qui viennent on pourra le faire pour 50 à 100 gènes ,  explique le Pr Fabien Calvo, directeur de la recherche à l’INCa.

Ecoutez le Pr Fabien Calvo, directeur de la recherche à l’INCa: « Dans le mélanome métastatique, on le fait déjà, on sait que la moitié de patients ont une mutation sur un gène qui permet de savoir à quel traitement la tumeur répondra

 

Mais quelle est l’utilité de séquencer intégralement les tumeurs sachant qu’on ne dispose pas forcément d’autant de médicaments que de particularités génétiques d’une cellule cancéreuse ? « Nous disposons déjà de beaucoup de médicaments, mais évidemment la découverte de nouvelles particularités génétiques  dans des tumeurs poussent à aller chercher d’autres molécules qui vont les cibler spécifiquement, » pronostique Laurent Alexandre. Pour permettre de décoder le génome entier des tumeurs de Monsieur tout le monde, il faudra attendre au moins 3 à 4 ans.
Pour le moment, seuls quelques milliardaires qui ont un cancer l’ont déjà fait, c’était le cas de Steve Jobs, le fondateur d’APPLE, qui avait fait analyser la séquence ADN de son cancer du pancréas. Ce qui est sûr, c'est que les médecins, les chirurgiens ou les biologistes ne pourront pas faire face seuls à cette tempête de données mêlant génétique et informatique. Pour que la révolution ait lieu, il faudra former et recruter de nouveaux professionnels, notamment un bon nombre de bio-informaticiens.

Ecoutez le Dr Laurent Alexandre : « Les médecins ne sont pas habitués à traiter des milliards et des milliards d’informations. C’est un changement d’organisation de la cancérologie et cela nécessite une réorientation très forte du dispositif de formation. »



Il faudra aussi attendre la baisse du coût de cette technologie. Mais les spécialistes affirment que cette baisse est inéluctable. Il a fallu plus de dix ans et trois milliards de dollars pour obtenir la publication de la première séquence d'un génome humain en 2003. En 2007, un autre séquençage entier est réalisé en six mois, huit en 2008, 500 en 2010. Aujourd’hui, il est possible de décrypter le génome entier d’un individu en seulement quelques heures et pour seulement mille dollars. Du coup, il n'est pas utopique d’imaginer pouvoir décoder l’intégralité des tumeurs de tous les malades du cancer d’ici 2015. 

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