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Epidémie

Paludisme : enrayer la transmission avec du Viagra

Par La rédaction

Une équipe de chercheurs franco-britanniques a montré que le Viagra pouvait bloquer le développement du parasite responsable du paludisme.  

MARY EVANS/SIPA

Le Viagra serait-il le futur traitement contre le paludisme ? Proposition étonnante mais plausible, d’après les travaux d’une équipe franco-britannique (1) publiés ce vendredi dans la revue scientifique PLOS Pathogens.

Les chercheurs ont montré que la célèbre pilule bleue pourrait bloquer la transmission du parasite de l’homme au moustique. Pour se faire, il faut cibler le lieu de développement de Plasmodium falciparum, l’agent responsable du paludisme : les globules rouges qui se trouvent encore dans la moelle osseuse.

Malléabilité des globules rouges

La maturation du parasite dans les cellules sanguines est une étape importante. C’est à ce moment là qu’il acquiert la capacité de se déformer comme les globules rouges. Cette aptitude permet aux globules, infectés ou non, de circuler librement dans le système sanguin et de ne pas être éliminés par la rate. En effet, cet organe, qui filtre le sang en permanence, ne retient que les hématies rigides, signes de vieillesse ou d’anormalité. De ce fait, les cellules infectés peuvent persister plusieurs jours dans l’organisme et être transmises aux moustiques.

Rendre les globules rouges infectés rigides s’avère donc intéressant pour lutter contre la malaria. Les scientifiques ont alors identifié la voie de signalisation à perturber afin que les parois du globules rouges infectés se rigidifient (voir ci dessous dans le schéma). Cette cascade de réactions implique une molécule appelée l’AMP cyclique. En temps normal, lorsqu’elle s’accumule dans la cellule sanguine, sa malléabilité est corrompue. Or, il semblerait que le parasite active la dégradation de l’AMP cyclique afin de rendre le globule rouge déformable.

 

Source : © Catherine Lavazec, Institut Cochin.

Favoriser l'élimination du parasite

Grâce à un modèle reproduisant le système de filtration de la rate, les chercheurs ont pu sélectionner le sildenafil citrate, plus connu sous son nom de « Viagra ». Leur expérimentation a montré qu’à la dose habituellement administrée, le losange bleu peut augmenter la rigidité des hématies infectées et ainsi entraîner leur élimination.

« Cette découverte ouvre la voie à une nouvelle approche pour bloquer la propagation du paludisme à travers la population. Modifier le principe actif du Viagra pour éviter son effet érectile, ou tester des molécules similaires dépourvues de cet effet secondaire pourrait en effet déboucher sur un traitement contre la transmission du parasite de l’homme au moustique », indiquent les auteurs dans un communiqué.

Un enfant meurt chaque minute

En 2013, le paludisme touchait plus de 198 millions de personnes causant plus de 500 000 décès. Les premières victimes de cette maladie infectieuse sont les enfants de moins cinq ans, notamment en Afrique où chaque minute en enfant meurt de la malaria. A l'occasion de la Journée mondiale contre le paludisme le 25 avril dernier, l'OMS a appelé à combler les lacunes dans la prévention et le traitement pour vaincre cette maladie. Dans les régions où le moustique infecté sévit le plus, des millions de personnes ne reçoivent pas les traitements préventifs ou curatifs. Ces zones à riques doivent également faire face à une résistance accrue aux insecticides et aux traitements antipaludéens. 

 (1) Chercheurs du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes à l’Institut Cochin et de l’Institut Pasteur en collaboration avec une équipe de la London School of Tropical Medicine and Hygiene.