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Une maladie méconnue

Dormir 18h par jour: le syndrome de la Belle au bois dormant

Par Cécile Coumau

Pendant plusieurs mois, les personnes atteintes de ce syndrome peuvent dorrmir jusqu’à 18 heures par jour. Pour la première fois, les personnes souffrant de cette maladie rare se sont réunies à Paris.

PURESTOCK/SIPA

A 16 ans, l’avenir de Mélodie était tout tracé. Brillante élève, elle pouvait envisager sans problème d’intégrer une grande école. Mais, un grain de sable est venu gripper la machine. En 2009, la jeune fille a commencé à faire des crises de sommeil profond. Mélodie pouvait dormir jusqu’à 18 heures par jour. Ces longues heures de sommeil étaient certes entrecoupées de petites phases d’éveil, mais Mélodie, somnolente, était juste capable de boire, de se laver, et de grignoter.
Pendant une semaine, 15 jours ou même plus, impossible donc pour elle de se rendre au lycée. L’étrangeté de ces symptômes a bien sûr inquiété immédiatement les parents de Mélodie, et notamment sa mère qui est médecin anesthésiste. Très vite, Alice mettra un nom sur ces symptômes : le syndrome de Kleine Levin, que l’on appelle aussi le syndrome de la Belle au bois dormant.

Ecoutez Alice, la mère de Mélodie : « J’ai très vite fait le diagnostic sur Internet. Mais, le diagnostic officiel n’est tombé que 2 ans plus tard ».



Deux ans à attendre le diagnostic, c’est particulièrement long quand la vie est mise entre parenthèses pendant plusieurs mois de l’année. En effet, les personnes qui souffrent du syndrome de Kleine Levin peuvent avoir plusieurs crises par an. Cette maladie neurologique rare, à l’origine inconnue, se caractérise par des épisodes d’hypersomnie durant quelques jours à quelques semaines pendant lesquelles les malades se sentent comme hors du monde réel.

Ecoutez Mélodie, atteinte du syndrome de la Belle au bois dormant : « En crise, c’est comme si j’étais liquide. Mes pensées glissent entre mes mains ».



L’autre particularité de cette maladie, c’est qu’une fois la crise finie, le syndrome de la Belle au bois dormant ne laisse aucune trace. La vie peut reprendre son cours. Certains angoissent à l’idée qu’une nouvelle crise se produise. Mélodie, elle, refuse que toute sa vie tourne autour de sa maladie. « Je sais que cela arrivera, c’est tout… »
Pendant les crises, les malades souffrent d’autres troubles : ils peuvent être désinhibés sexuellement, faire preuve de boulimie, souffrir de troubles de l’humeur, ou encore régresser complètement et se comporter comme un petit enfant. Or, la plupart des malades sont adolescents.

Ecoutez le Pr Isabelle Arnulf, responsable du centre de référence sur la narcolepsie, l’hypersomnie et syndrome de Kleine-Levin : "Les filles ont longtemps été sous-diagnostiquées"



Côté traitement, les princes charmants ne se bousculent pas à l’horizon pour réveiller les victimes de ce syndrome. En effet, pour le moment, deux médicaments montrent une certaine efficacité : le valproate de sodium, utilisé normalement dans l’épilepsie et le lithium, qui est un régulateur de l’humeur pour les personnes souffrant de troubles bipolaires. Mais, certains patients ne répondent pas à ces traitements.

C’est le cas de Mélodie, qui est suivie par le Dr Isabelle Arnulf. Elle a testé deux médicaments. « L’un d’entre eux m’obligeait à rester éveillée alors que je n’aspirais qu’à une seule chose, dormir. Du coup, je l’ai vécu comme un déchirement mental. »

Ecoutez Mélodie : "Le monde bougeait à 100 à l'heure et je ne pouvais pas suivre".



Aujourd’hui, Mélodie et ses parents ne veulent plus participer à des essais de médicaments. « Nous avons vraiment l’impression que le cerveau a besoin de se mettre au repos, pour réparer quelque chose que nous ignorons, explique Alice. C’est comme si elle entrait en hibernation. » Si la maman de Mélodie devait un conseil à d’autres parents, ce serait : « Laissez-les dormir ! »

Bien sûr, dormir pendant des jours voire des semaines a une conséquence directe sur la scolarité de ces jeunes. En classe de 1ère, Mélodie a été absente pendant environ 3 mois. Bonne élève, elle parvient à rattraper les cours. « Mais, c’est difficile d’expliquer sa maladie aux enseignants et aux copains pour qu’ils me prennent des notes. En outre, précise Mélodie, les sorties de crise se font au ralenti. Je ne suis donc pas immédiatement capable d’ingurgiter tout le retard scolaire accumulé. »
L’Education nationale est encore trop peu à l’écoute de ces élèves hors norme.
Incompris également par la société qui ne connaît pas ce syndrome, des malades ont ressenti le besoin de discuter entre eux de leur vie quotidienne. La toute première rencontre a eu lieu le 15 juillet, à Paris. Une bouffée d’oxygène pour ces jeunes coupés de vie sociale parfois pendant des semaines. « C’est important dans les maladies très rares de sentir qu’on n’est pas seuls, confirme le Pr Arnulf. En outre, dans des maladies dont on ne connaît pas la cause, je suis convaincue que les idées viendront aussi bien des médecins que des patients et des familles de patients. »
En attendant que la recherche fasse des progrès, Mélodie va tenter de poursuivre sa scolarité, en dépit de ses périodes "d'hibernation".