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Fin de vie : dix ans de débats pour aménager la loi Leonetti

A quelques heures de la remise du rapport parlementaire sur la fin de vie, qui doit servir de base à une nouvelle loi, Pourquoidocteur revient sur dix ans de débats.

Fin de vie  : dix ans de débats pour aménager la loi Leonetti Didier Sicard remet son rapport sur la fin de vie à François Hollande (déc.2012) HAMILTON-POOL/SIPA




On connaîtra dans quelques heures la teneur du rapport sur la fin de vie, concocté par deux députés de bords politique opposés, Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS). Un rapport commandé par le président de la République, qui n’ignore pas à quel point le terrain est miné. D'ailleurs, pour éviter un nouveau débat sur le sujet, François Hollande devrait faire connaître dans la journée la position du gouvernement sur cette question.  

92% des Français sont favorables à l’euthanasie, selon un sondage Ifop. Et pourtant, ce rapport ne satisfera probablement personne. Ni les associations qui militent en faveur d’une loi sur la fin de vie, et qui exigent un droit effectif au suicide assisté. Ni les « anti », qui promettent de mener le combat. Ni la population, qui se perd dans les multiples rapports, missions et annonces sur la fin de vie.

Comment mourra-t-on demain ? « Dans l’apaisement », répond François Hollande, qui veut une « loi préparée dans le cadre d’un consensus ». Pas de révolution en vue, mais un prolongement très probable de la loi Leonetti, peu connue, mal appliquée, mal expliquée. Et une plus ample place faite à la parole des patients.

Pour comprendre ces évolutions juridiques, Pourquoidocteur revient sur les étapes clés d’un débat législatif qui dure depuis une décennie.

2005 : la loi Leonetti interdit l’acharnement thérapeutique
Depuis les années 1960, c’est un secret de polichinelle : dans les hôpitaux, certains médecins euthanasient des patients en fin de vie, parfois sur leur demande et celle de leur famille, dans la plus grande illégalité. Les « affaires » s’enchaînent ; dans la plupart des cas, les juges refusent de condamner les médecins, conscients de la contradiction entre principe et réalité. Et dans le cas contraire, ils se heurtent à une bonne partie de l'opinion. 
En 2003, le retentissement médiatique de l’affaire Vincent Humbert pousse les hommes politiques à se saisir de ce dossier épineux, et à mettre en place un cadre juridique sur l’euthanasie.

Jacques Chirac confie donc une mission parlementaire au cardiologue et député UMP d’Antibes, Jean Leonetti. Une loi voit le jour le 22 avril 2005, qui proscrit tout acharnement médical ou « obstination thérapeutique » et instaure le droit au laisser mourir quand les patients refusent la poursuite des traitements, ou l’ont écrit dans leurs « directives anticipées ».

Concrètement, cela signifie que le médecin peut « débrancher » un patient en fin de vie, avec son accord ou celui de ses proches. Il est tenu de soulager ses souffrances en lui administrant des puissants antidouleurs, qui, probablement, abrègeront sa vie.
On ne parle pas ici d’euthanasie, mais bien d’accompagnement de fin de vie : les soins palliatifs n’ont pas vocation à tuer, mais seulement à soulager. La nuance est subtile, mais de taille. Car la loi Leonetti ne franchit pas la barrière du geste intentionnel qui donnerait la mort. Elle condamne l’injection délibérée d’une substance létale, autrement dit l’euthanasie, alors déjà autorisée en Belgique et aux Pays-Bas.

Avec cette loi, le médecin est le seul habilité à décider de l’arrêt des soins, après avoir pris connaissance des avis du personnel soignant, du patient s’il est en mesure de s’exprimer, et de ses proches.

2012 : François Hollande s’engage
Imparfaite, la loi Leonetti a vocation a évoluer, de l’aveu même de son auteur. Elle ne répond pas à toutes les situations, en particulier pour les personnes atteintes de maladies incurables sans être en phase terminale, et qui demandent à mourir.

Alors que le débat sur la fin de vie n’avait pas alimenté la campagne présidentielle en 2007, François Hollande en a fait l'un de ses 60 engagements pour la France. « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Il confie à l’ancien président du Comité d’éthique, Didier Sicard, le soin de « recueillir l’avis de la société » lors de débats publics sur la nécessité d’aller plus loin que la loi Leonetti en autorisant une forme active d’euthanasie.

2013 : Le rapport Sicard ouvre la voie à la sédation terminale
Six mois plus tard, le rapport Sicard est rendu public. L’homme avait promis de « ne pas se défiler ». C’est chose faite. Il propose ainsi qu’une sédation terminale (administration d'opiacés entraînant le coma puis la mort) puisse être administrée par les médecins aux patients qui en font une demande claire, univoque et répétée. La mission Sicard dresse également les conditions du suicide assisté – la possibilité pour un patient atteint de maladie incurable d’ingérer une substance létale, fournie par son médecin. Mais il ne le recommande pas officiellement.

Le rapport réaffirme son opposition formelle à l’euthanasie active, un geste médical « radical » qui franchirait « la barrière d'un interdit ». Mais il laisse une place importante à la volonté du patient. La mission Sicard souligne que la Loi Leonetti nécessite encore « un effort majeur d’appropriation  (…) par la société et par l’ensemble des médecins et des soignants ».

Et c’est peu dire. Finalement, avec la notion de sédation terminale, le rapport Sicard ne fait que rappeler une disposition de la loi Leonetti, mal connue des médecins et des Français, et mal appliquée. Une vaste enquête de l’Ined, menée en 2012, a montré que dans plus d’un cas sur cinq, le médecin prend une décision susceptible d’accélérer la fin de vie sans en discuter avec le malade, alors même qu’il est conscient et apte à en parler. De plus, moins de 2 % des malades ont rédigé des directives anticipées et moins d’un sur deux a désigné une personne de confiance chargée de parler en son nom.

L'Ordre des médecins plaide pour un devoir d'humanité
Partagée entre le devoir d'assistance à une personne qui souffre et les cas de conscience du médecin confronté à la fin de vie, l'instance ordinale reste dans la nuance. D'abord ne pas nuire (primum non nocere), ensuite, privilégier la collégialité à la décision d'un seul praticien. L’Ordre des médecins  ouvre la porte  à « une sédation adaptée, profonde et terminale délivrée dans les respect de la dignité ». 

2014 : le CCNE dénonce le « scandale » du « mal mourir »
Dans son dernier avis, rendu public en octobre, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) fait la synthèse de deux années de débat public. Il pointe du doigt une situation « scandaleuse », « l’abandon d’une immense majorité des personnes en fin de vie » à cause d’un manque d’accès criant aux soins palliatifs. Ainsi, selon son président, le Pr Jean-Claude Ameisen, « 80 % des personnes qui devraient y avoir accès n'y ont pas droit ».

Le CCNE réaffirme que la sédation terminale doit être un droit pour le patient – même si certains, au sein du comité, parlent plutôt de sédation profonde, pour soulager la douleur sans but de raccourcir la vie. Mais surtout, il évoque la question des directives anticipées, avec l’idée qu’elles doivent devenir contraignantes. Pour les patients n’ayant pas rédigé de directives, il propose une révision de la procédure collégiale, sans hiérarchie entre les acteurs décisionnels (médecins, famille, patients). Et cas de désaccord, de faire appel à une médiation.

Le CCNE admet « la persistance de profondes divergences », y compris en son sein. Le rapport parlementaire rendu ce matin aura bien du mal à y mettre fin.

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