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Intelligences

Tests QI : ils ne disent pas tout... mais quand même !

Par Stanislas Deve

Que mesure vraiment le quotient intellectuel (QI) ? Comment les tests sont-ils créés ? Dans quelle mesure peut-on s’y fier ? Est-il toujours opportun d’en passer un ? Les réponses du psychologue et mathématicien Nicolas Gauvrit, chercheur en sciences cognitives et co-auteur de Psychologie du haut potentiel (2021, éd. De Boeck).

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- Mieux Vivre Santé : Qu’est-ce que le quotient intellectuel ? Est-ce l’intelligence, ou du moins une forme d’intelligence ?

Nicolas Gauvrit : Le quotient intellectuel, qui se situe en moyenne entre 90 et 110, était auparavant calculé à partir de ce qu’on appelait l’âge mental. Si les réponses d’un enfant de 10 ans correspondaient aux réponses typiques d’un enfant de 15 ans, alors on disait qu’il avait un âge mental de 15 ans et on calculait le rapport des deux : 15 divisé par 10 égalent 1,5, soit 150%, soit un QI de 150. Le QI était ainsi fondé sur un pourcentage d’avance entre l’âge chronologique et l’âge mental. Par la suite, avec les nouveaux tests, les scientifiques se sont arrangés par convention pour obtenir une moyenne autour de 100, mais ce n’est plus un QI basé sur l’âge mental.

Aujourd’hui le QI mesure quelque chose qu’on peut appeler intelligence, ou facteur g, pour « facteur général de capacité cognitive ». Le concept est venu du fait que la plupart des tests donnaient des résultats qui étaient liés les uns avec les autres. C’est un peu comme les notes de différents élèves dans plusieurs disciplines : on constate que les résultats ont plutôt tendance à être liés positivement, c’est-à-dire que certains élèves ont de bonnes notes partout, d’autres des moyennes, et d’autres encore en ont des mauvaises dans toutes les matières. Cela laisse à penser qu’il y a quelque chose de commun à toutes ces notes, et que si l’on en fait la moyenne, on aura une idée du niveau scolaire général de la personne.

Avec les tests de QI, c’est à peu près pareil : pendant au moins 1h30, on évalue des tâches cognitives diverses avec une série de petits exercices sollicitant les compétences arithmétiques, le niveau de vocabulaire, la vitesse mentale, la mémoire à court terme, et même la culture générale... Puis on en fait la moyenne. Certains sont très hauts dans un domaine et très bas dans un autre, mais statistiquement, les résultats sont en tendance cohérents. Il existerait donc un facteur général, une sorte de puissance mentale qui est une définition possible de l’intelligence, car c’est lié à la capacité d’apprendre et de résoudre des problèmes.

- En parallèle de ce « facteur g », les tests de QI révèlent aussi comment l’esprit de chacun fonctionne, non ?

Les tests de QI permettent en effet de calculer aussi le niveau dans tel ou tel domaine de manière plus ciblée, en faisant la moyenne des résultats obtenus dans les tâches visuelles, de raisonnement, etc. C’est beaucoup plus précis, car cela montre les différentes formes d’intelligence que chacun peut avoir. Par exemple, certains ont un très bon indice de compréhension verbale, ce qui correspond à l’intelligence langagière, au vocabulaire, à la compréhension des concepts... mais ils ont une vitesse de raisonnement plutôt ordinaire voire faible. Chacun ses atouts !

- Comment les tests sont-ils créés ?

Le test le plus utilisé est celui de Wechsler, du nom du psychiatre américain qui l’a mis au point en 1955 : WAIS 4 (Wechsler Adult Intelligence Scale) pour les adultes, WISC 5 (Wechsler Intelligence Scale for Children) pour les enfants. Le principe est d’imaginer une série de petites épreuves, mais le plus compliqué est la phase de validation : on fait passer les tests de manière très standardisée à des milliers de volontaires, chapeautés par différents psychologues, puis on fait des analyses statistiques pour voir si on retrouve bien la corrélation, si la moyenne générale résume bien les différents indices.

- Comment être sûr de la fiabilité des tests ?

Il faut effectuer un test standardisé, c’est-à-dire validé, par un « psychologue spécialisé en neuropsychologie », qui est formé pour le faire passer. Avant de faire passer le test, le praticien commence par un entretien pour analyser la demande, le but étant de déterminer pourquoi la personne veut être testée et vérifier que c’est bel et bien opportun. En temps normal, un psy ne fait pas passer un test pour faire passer un test. Un test de QI ne doit pas être fait « juste » par curiosité...

- Peut-on croire les tests de QI gratuits trouvés sur le net ? Des médias jugés sérieux en proposent...

Ce sont souvent des tests qui s’inspirent de véritables tests de QI. Le problème est qu’ils ne sont pas standardisés et qu’ils comportent souvent moins d’exercices. Sans compter que l’interprétation des résultats est moins fine qu’avec un psychologue. En effet, celui-ci prend en compte non seulement les réponses mais aussi d’autres paramètres tels que l’anxiété qui, à un certain niveau, peut fausser ce que les résultats du test disent de nous. Il est essentiel d’être aiguillé par un professionnel pour que la personne ne se résume pas à son QI : cela ne détermine pas la valeur morale de qui on est, c’est juste une mesure, une dimension de qui on est.

- Peut-on parvenir à un résultat totalement différent selon les tests ou selon les moments où on le passe ?

La plupart du temps, le neuropsychologue donne les résultats avec un intervalle de confiance, car on a calculé que les résultats peuvent varier de 5 ou 6 points : si vous avez 120, votre QI véritable est probablement compris entre 125 (mais vous étiez peu en forme le jour du test) et 115 (et vous étiez très en forme). On considère par exemple que les personnes à haut potentiel intellectuel (HPI) sont celles ayant un QI d’au moins 130, mais certains psys plaident pour un seuil de 125 afin de tenir compte de cette incertitude.

- Quelles sont les limites et les biais des tests ?

Il y a des choses qui ne sont pas prises en compte volontairement dans la mesure de l’intelligence, comme les talents particuliers. D’autres pans de l’intelligence ne sont tout simplement pas mesurés par les tests de QI. Comme l’intelligence émotionnelle. Certains tests évaluent les compétences émotionnelles, mais s’arrêtent le plus souvent à la perception que les personnes ont d’elles-mêmes et de leurs affects, donc ce n’est pas très fiable pour mesurer une capacité. Par ailleurs, l’intelligence sociale – utile pour communiquer, s’exprimer, sentir les autres, vendre... – n’est pas prise en compte. La créativité non plus, alors même qu’une personne qui a des idées originales, et pas seulement justes, semble plus capable que la personne qui connaît simplement ses leçons. Ce serait donc logique de l’inclure dedans, mais il se trouve que la créativité est finalement peu liée au facteur g. On peut tout à fait imaginer compléter la mesure par d’autres évaluations se concentrant sur la créativité, ou l’intelligence émotionnelle.

- Calculer notre QI peut-il limiter notre potentiel ? Par exemple, réaliser qu’on a un QI moyen ne peut-il pas nous faire perdre confiance en nous et nos capacités, nous faire emprunter une voie moins prestigieuse plutôt qu’une autre, nous restreindre dans nos projets...

Les gens accordent tellement d’importance à la notion d’intelligence qu’un résultat de test de QI peut être lourd à porter. Certaines personnes peuvent ainsi se décourager en voyant qu’il est bas ou moins haut qu’attendu, au risque de se limiter toute sa vie. D’autres au contraire peuvent se surestimer en apprenant qu’elles ont un fort QI. Sans compter la définition du HPI est arbitraire : on est considéré HPI au-dessus de 130 de QI, mais pas à 129. Cela laisse penser qu’à partir de 130, on aurait un fonctionnement particulier, alors que tout est affaire de continuum, et qu’il y a bien peu de différence entre un QI de 125 et de 130...

- Peut-on travailler à augmenter son QI ?

Ce n’est pas immuable, on peut lire et apprendre pour améliorer son vocabulaire et ses connaissances, travailler ses capacités de raisonnement, mais le QI reste néanmoins très stable au cours de la vie. En revanche, il peut baisser pour des causes externes ! Notamment si on consomme du cannabis ou de l’alcool à haute dose.