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Essai Ipergay

VIH : un traitement ponctuel efficace en prévention

Par Audrey Vaugrente

L'antirétroviral Truvada permet de réduire de 86 % le risque de transmission du VIH lors des rapports entre hommes, y compris non protégés. C'est le résultat de l'essai français Ipergay.

Petros Giannakouris/AP/SIPA

Deux comprimés de Truvada (Gilead) avant un rapport sexuel à risque, autant après, permettent de réduire le risque de transmission du VIH de 86 %. Cette technique de prévention, c’est la PrEP (prophylaxie pré-exposition) à la demande. A l’occasion de la CROI (Conférence sur les Rétrovirus et les Infections opportunistes), une équipe française a présenté les excellents résultats de l’essai Ipergay.

 

16 contaminations depuis 2012

Depuis 2012, 400 hommes séronégatifs ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) testent une nouvelle manière de prévenir une infection par le VIH, en complément des méthodes traditionnelles. Avant chaque rapport à risque, les participants sont incités à prendre deux comprimés de Truvada, un antirétroviral utilisé normalement par des personnes infectées par le virus.
Les volontaires de l'essai doivent également en prendre un 24 heures après le rapport, puis 48 heures après. La moitié d'entre eux recevait en réalité un placebo. « Notre objectif était de faire diminuer le grand nombre de nouvelles contaminations par le VIH que nous connaissons en France, particulièrement dans le milieu gay. La situation ne s’améliore pas depuis de nombreuses années, et il était nécessaire de proposer de nouvelles interventions en prévention, qui avaient pour objectif de renforcer les interventions déjà existantes », constate le Pr Jean-Michel Molina, coordinateur de l’essai Ipergay pour l’ANRS (1).

 

Ecoutez le Dr Bruno Spire, président d’AIDES : « L’essai Ipergay nous a permis d’avoir une offre globale de santé sexuelle absolument remarquable. »

 

Après 13 mois de suivi, les résultats sont probants. Alors que 70 % des participants n’utilisaient pas de préservatif lors d’une pénétration anale, 16 contaminations par le VIH ont été notifiées. 14 dans le groupe placebo, deux dans celui du Truvada. Ces dernières « n’ont été contaminées qu’après un an et demi, et elles avaient interrompu leur PrEP. Elles ne prenaient plus de médicament, et n’avaient plus de trace du médicament dans le sang », précise Jean-Michel Molina. Le risque relatif est donc réduit de 86 %, et on ne note aucun changement du recours au préservatif.

 

Ecoutez le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS : « L’idée initiale était que cela favorisait l’adhésion au traitement, ce qui semble être le cas. »

 

« Les participants ont la PrEP en main »

Depuis 2012, les Etats-Unis autorisent le Truvada en prévention d’une infection par le VIH pour les personnes à risque (travailleurs du sexe, couples sérodiscordants, HSH). Il s’agit d’une PrEP en continu : le patient doit prendre un comprimé par jour.
La PrEP à la demande, testée dans l’essai Ipergay, s’avère supérieure pour plusieurs raisons. La réduction du risque est doublée dans le groupe français. Elle réduit aussi le nombre de comprimés consommés par mois. Au lieu de 30 comprimés chaque mois, 16 ont été consommés en moyenne. « L'important, c'est que les participants ont la PrEP en main et décident en fonction de leur type d’activité sexuelle, du type de partenaire. Ils peuvent faire le choix du préservatif, de la PrEP, des deux ou d’aucun », insiste le Pr Molina. Cette plus grande souplesse permet d’améliorer l’observance des participants. Les chiffres le confirment : 88 % des volontaires sont allés jusqu’au bout de l’essai.

 

Un dossier évalué depuis 2013

La France traîne encore la patte dans l'autorisation du Truvada en prévention. Certaines associations ont notamment craint que la PrEP n'encourage l'abandon du préservatif. L'essai Ipergay démontre que ce n'est pas le cas. En réalité, cette approche permet de protéger des publics qui n'auraient, de toute façon, pas utilisé de préservatif.

Le Conseil National du SIDA (CNS) a finalement émis un avis favorable en 2012, après avoir été saisi par la Direction générale de la Santé (DGS). Le milieu associatif, AIDES en première ligne, a formulé une demande de Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) (2) auprès de l’Agence nationale du médicament (ANSM), en octobre 2013. Gilead France, qui fabrique le médicament, s’est chargé de constituer le dossier.

 

Ecoutez Michel Joly, président de Gilead France : « L’évaluation scientifique a redémarré. L’ANSM consulte toutes les parties pour voir comment pourrait être mise en place la PrEP. »

 

Le 26 janvier dernier, l’ANSM s’est réunie pour évoquer les populations cibles de la PrEP à la demande. D’autres questions se posent, notamment celle du remboursement. La boîte de 30 comprimés revient en effet à 400-500 euros. Pour Michel Joly, la prise en charge par l’Assurance maladie semble inévitable.

 

Ecoutez Michel Joly : « Si on veut une égalité d’accès aux soins, il faut que la prise en charge de la PrEP soit faite par la collectivité. »

 

« L’ANSM sait qu’il y aura une demande très forte de la part du milieu associatif et médical », souligne Jean-Michel Molina. « Elle a d’ailleurs prévu une réunion début mars. Je pense que les choses vont avancer assez vite de ce côté-là. » Jean-François Delfraissy va même plus loin : « On est dans un agenda de l’été ou de la rentrée 2015 », avance-t-il.

 

(1) Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales.
(2) Recommandation Temporaire d'Utilisation (RTU) : Ce dispositif permet d'encadrer, sur une durée maximale de trois ans, une prescription qui n'est pas conforme à l'autorisation de mise sur le marché (AMM). L'ANSM peut délivrer ce sésame, sur demande de médecins ou d'associations, à condition qu'aucune autre solution thérapeutique n'existe. Le rapport bénéfice-risque doit également être favorable. Pour des raisons de sécurité, les laboratoires sont chargés de suivre les patients bénéficiant d'un traitement dans le cadre d'une RTU.