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Face au désordre de la formation

Les ostéopathes veulent se prendre en main

Par Cécile Coumau

Deux tiers des ostéopathes seraient mal formés et l'Igas dénonce ce manque de qualité. Les ostéopathes tentent de faire le ménage. Mais en attendant, les patients  veulent comprendre pour choisir.

DURAND FLORENCE/SIPA

L’ostéopathie fait un tabac. 20 millions de Français ont déjà consulté l’un de ces spécialistes des manipulations manuelles des os, des articulations et des muscles. Pourtant, cette profession en plein boom va mal. Pour preuve, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) resté sous le coude pendant deux ans et qui vient d’être publié. Ses auteurs tirent à boulets rouges sur le système de formation des ostéopathes.
La procédure d’agrément des écoles est jugée “contestable et faussement contraignante”. Dix ans après avoir reconnu le titre d’ostéopathe, les pouvoirs publics ont agréée pas moins de 74 écoles. Il en existerait une dizaine en Grande-Bretagne. Selon l’Igas, la formation des ostéopathes pêche en terme de qualité et de quantité. En terme de nombre d’heures de formation par exemple, la France est à la traîne, loin derrière les recommandations internationales.

Patrick Féval, président du syndicat national de l’enseignement supérieur en ostéopathie : « 5000 à 6000 professionnels sur 17 000 sont dignes de porter le titre d’ostéopathe ».



Aujourd’hui, 17 000 professionnels disent pratiquer l’ostéopathie. 38% sont des kinésithérapeuthes, 8% sont des médecins, les 64% restants ne sont ni l’un, ni l’autre. Autant dire que le niveau de formation est très hétérogène et que pour les patients, il est difficile de s’y retrouver et de dénicher un professionnel compétent.
L’Igas a formulé 18 propositions pour tenter d’y voir plus clair. Les auteurs du rapport proposaient notamment de revoir de fond en comble les critères d’agrément des écoles, mais aussi d’instaurer un effectif maximum d’étudiants en 1ère année. Mais, « deux ans plus tard, rien n’a été fait. «On peut parler de tromperie vis-à-vis du patient », s’insurge Patrick Féval. « J’accuse les pouvoirs publics d’attribuer un statut d’ostéopathe à quiconque le réclame, sans aucun égard pour les patients », surenchérit Guy Villemain, président du registre des ostéopathes de France.
C’est la raison pour laquelle le syndicat national de l’enseignement supérieur en ostéopathie, le Sneso, a décidé de prendre les devants. Il vient en effet d’élaborer un référentiel de formation qui recense les compétences de base que tout ostéopathe doit maîtriser. Le Sneso espère que son référenciel métier servira de base au ministère de la Santé pour établir une législation plus rigoureuse. 

Patrick Féval : « L’ostéopathe doit avoir des connaissances médicales, pour être capable de poser un diagnostic d’opportunité ».




Comment s'y retrouver ?

En attendant, les patients ont du mal à trier le bon grain de l’ivraie. Seule solution pour le moment, vérifier la formation suivie par votre ostéopathe : 4 à 5 années d’études valent mieux que 3… et être un ancien diplômé d’une école membre du Sneso constitue par exemple un gage de qualité.

Autres difficultés pour les malades, savoir à quelles portes frapper : ostéopathe, kinésithérapeute ou encore chiropracteur ? Les frontières ne sont pas toujours claires. D’autant que ces professionnels se livrent bien souvent une concurrence acharnée. Première différence entre ces trois professionnels, les kinésithérapeutes sont les seuls dont les soins, prescrits au préalable par un médecin, peuvent être remboursés par la sécurité sociale. Cependant, de plus en plus de mutuelles proposent la prise en charge de l’ostéopathie.

 

Vincent Arin-Stocchetti, ostéopathe à Albi et auteur de " Kiné ou Ostéo, qui consulter ? " : « L’ostéopathe mène l’enquête et envisage toutes les causes mécaniques qui peuvent perturber le corps humain. »


Faut-il se laisser manipuler ou pas les vertèbres cervicales pour des douleurs au cou ? C’est sans doute une des questions les plus récurrentes concernant la pratique des ostéopathes et des chiropracteurs. Le très sérieux British médical journal a récemment publié un débat contradictoire sur le sujet.
Au centre du débat, un tout petit risque, très rare, mais très grave d'accident vasculaire cérébral. Ce risque est estimé d’1 à 1,7/100.000 personnes-années. A la fin du débat, les « pour » et les « contre » campent sur leur position mais se retrouvent sur un point : la manipulation du cou ne doit être utilisée que dans un objectif clair et pas dans un objectif de prévention, et seulement après avoir envisagé les autres traitements. Ce qui ne serait pas toujours le cas.
Vincent Arin-Stochetti ajoute un élément au débat : « La majorité des manipulations sont inutiles. Bien souvent, les cervicales ne font que s’adapter à un problème qui se situe plus bas ou plus haut. » Patrick Féval estime lui aussi qu’ « aller manipuler une région douloureuse et inflammatoire n’est pas concevable pour un ostéopathe. On ne tape jamais sur une bosse pour la faire rentrer », ironise-t-il.