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Débat sur la fin de vie

Vincent Lambert : les 4 questions que pose l'arrêt du Conseil d'Etat

Par la rédaction

Le Conseil d'Etat a jugé légale la décision du CHU de Reims de mettre fin aux traitements de maintien de la vie sur Vincent Lambert. Ses parents ont déjà saisi l'Europe.

PFG/SIPA/SIPA

Le sort de Vincent Lambert est presque fixé. Ce mardi, le Conseil d'Etat a tranché en faveur des médecins du CHU de Reims. La plus haute juridiction de l'ordre administratif s'est en effet prononcée en faveur de l'arrêt du traitement qui maintient en vie ce tétraplégique de 38 en état végétatif chronique, dont la famille se déchire sur son maintien en vie depuis six ans.
Pour justifier ce choix, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil, a expliqué, d'une part, que l'arrêt des traitements « correspond à la volonté » de Vincent Lambert. « Il résulte de l'instruction qu'il avait, avant son accident, clairement et à plusieurs reprises, exprimé le souhait de ne pas être artificiellement maintenu en vie », a-t-il précisé.
D'autre part, le Conseil d'Etat a estimé que la décision d'arrêt des soins prise par l'équipe médicale du CHU de Reims, en accord avec l'épouse de Vincent Lambert, s'inscrivait dans le cadre de la loi Leonetti de 2005 qui proscrit l'acharnement thérapeutique. Le Conseil estime ainsi que Vincent Lambert est maintenu « artificiellement » en vie, ce qui relève d'une « obstination déraisonnable. » 
Pourtant, avant même ce verdict, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait annoncé ce matin avoir été saisie en urgence par les parents de Vincent Lambert, qui espèrent toujours qu'elle s'opposera à l'arrêt des soins sur leur fils. Saisi en référé, la juridiction se prononcera d'ici demain sur la procédure d'arrêt des soins.
pourquoidocteur répond aux quatre questions clés qu'implique la décision du Conseil d'Etat.


La décision du Conseil d'Etat fait-elle jurisprudence ?
Interrogé par BFMTV, le député UMP des Alpes-Maritimes, Jean Leonetti, auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, a indiqué que « cette décision n'est pas une validation d'un acte euthanasique, mais le refus de l'acharnement thérapeutique. Cette décision qui concerne le cas particulier de Vincent Lambert ne peut être généralisée à l'ensemble des sujets en situation pathologique similaire, chaque situation devant être appréciée au cas par cas », a rappelé ce médecin cardiologue de formation toujours en exercice. Un "arrêt d'espèce" assumé par la juridiction de l'ordre administratif. Le cas Vincent Lambert n'aura donc sans doute pas de conséquences pour les 1700 patients qui sont, comme lui, en état végétatif chronique ou pauci-relationnel.

La décision du Conseil d'Etat permet-elle d'entamer le protocole de fin de vie ?
Difficile de répondre, car la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a annoncé ce mardi avoir été saisie en urgence par les parents de Vincent Lambert. Celle-ci a été saisie d'une demande d'intervention sur la base de l'article 39 de son règlement, qui prévoit qu'elle peut imposer aux Etats des mesures urgentes et provisoires, "à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés -en l'absence de telles mesures- à un risque réel de dommages graves et irréversibles".
Demain, la juridiction européenne décidera donc s'il y a lieu de prendre des mesures conservatoires. Si elle estime qu'il n'y a pas lieu d'en prendre, les avocats peuvent toujours déposer une requête sur le fond, dont l'examen prendrait alors plusieurs années. 

Pourtant, fort de l'accord du Conseil d'Etat, Eric Kariger, le médecin en charge de Vincent Lambert au CHU de Reims, serait alors libre de débrancher rapidement les sondes son patient. Dans les médias, il vient  de confirmer sa volonté de procéder à l'arrêt de l'alimentation et l'hydratation artificielle de son patient, « dans les meilleurs délais ».
Selon lui, un recours devant la CEDH, s'il devait être suspensif, serait « le recours de trop » pour son équipe.

En quoi consiste le protocole de fin de vie ?
Si l'arrêt des soins n'est pas interrompu par la justice européenne, l'équipe devrait logiquement stopper l'alimentation et l'hydratation. Par ailleurs, Eric Kariger a confirmé sa volonté de procéder à l'arrêt des traitements de maintien de la vie sur son patient « en renforçant les soins de confort ». Ainsi, des soins de bouche pour éviter toute sécheresse buccale seront par exemple prodigués à Vincent Lambert. Enfin, le patient devrait être plongé dans le sommeil grâce à une sédation profonde, comme le prévoit la loi, afin de lui éviter toute souffrance.

Cette décision aura-t-elle une influence sur la loi Leonetti ?
Cette décision très attendue du Conseil d'Etat survient au moment même où un procès relance le débat sur la fin de vie. Celui très médiatisé du Dr Nicolas Bonnemaison, ex-urgentiste au CHU de Bayonne, pour l'empoisonnement de sept patients aux assises des Pyrénées-Atlantiques. Face à une loi de 2005 sur la fin de vie que certains médecins ont du mal à appliquer, le gouvernement vient de charger le député UMP Jean Leonetti, à l'origine de ce texte, et le député PS Alain Claeys, de proposer d'ici fin 2014 des aménagements.
A ce titre, l'auteur de la précédente loi a estimé aujourd'hui sur BFMTV que cette décision « conforte la loi » qui porte son nom. Il a aussi profité de cette occasion pour rappeller que sa loi du 22 avril 2005 est relative « aux droits des malades et à la fin de vie. » Pour lui, « aux droit des malades » signigie qu'elle s'applique aussi au cas Vincent Lambert « qui souffre d'acharnement thérapeutique et dont les traitements médicaux ne le maintiennent en vie qu'artificiellement. »

Ainsi, dans cette nouvelle mission, les deux hommes devront tâcher de développer et faire connaitre encore davantage les soins palliatifs. Mais aussi les directives anticipées « que peu de Français connaissent », a-t-il conclu.