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Cancérogène, neurotoxique, perturbateur endocrinien

Chlordécone : la pollution durera encore sept siècles

Par Audrey Vaugrente

Le pesticide chlordécone cause naissances prématurées et cancers. Selon les spécialistes, la pollution des Antilles devrait durer encore plusieurs siècles.

SIPA

Le chlordécone fait toujours des ravages dans les Antilles françaises. 20 ans après l'interdiction de ce pesticide, Guadeloupéens et Martiniquais sont toujours exposés à ce danger sanitaire. Ce 16 janvier, l'Institut de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM) ajoute un nouveau fléau à la longue liste des effets secondaires : la prématurité. Ce qu'on appelle désormais un « désastre sanitaire » pourrait durer encore des générations.

 

Pollution sur 60 cm d'épaisseur

Le chlordécone a été utilisé entre 1972 et 1993 dans les Antilles pour éradiquer les charançons des bananiers. Dès 1976, les Etats-Unis l'interdisent après l'explosion d'une usine qui l'utilise. 20 ans après, la France réagit, mais le mal est déjà fait. Connu pour son extrême stabilité, le pesticide reste actif même après qu'on a cessé de l'utiliser. Il persisterait jusqu'à 7 siècles dans l'environnement, selon Jean-Yves Le Déaut, député PS, docteur en biochimie et auteur de nombreux rapports sur ce sujet.

 

Les sols antillais sont pollués par le chlordécone. En 2009, l'Agence de Sécurité sanitaire (Anses) a estimé qu'ils étaient contaminés à une profondeur de 30 cm en Guadeloupe, 60 cm en Martinique. L'insecticide est aussi piégé dans la vase des estuaires. A chaque tempête, une dose supplémentaire est libérée dans les rivières et la mer. A tel point que la pêche du crabe de la mangrove et des poissons de l'estuaire est interdite.

 

Eau potable, sols et océan pollués

Cette pollution au chlordécone atteint l'ensemble de la chaîne alimentaire antillaise. L'eau, puisée dans les sols pollués, les animaux qui s'en nourrissent, les poissons qui vivent dans une mer souillée... On trouve des traces du pesticide jusque dans le lait maternel ! Les conséquences directes sur la santé des Martiniquais et Guadeloupéens sont lourdes.

 

Du cancer au retard psychomoteur

Des études successives ont dressé le bilan des effets néfastes du chlordécone, toxique et irritant. Depuis 1979, il est classé « cancérogène possible » par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il entraîne des cancers des lèvres, des ovaires, de la peau, du ceveau, de la prostate, du sein et du sang. Perturbateur endocrinien avéré, il cause aussi une baisse de la fertilité masculine. Chez les femmes enceintes, il augmente la mortalité intra-utérine, retarde la croissance du foetus et est à l'origine de malformations.

 

Les enfants en bas âge sont touchés par les effets neurotoxiques du produit : retard du développement psychomoteur et de la vitesse d'acquisition de la mémoire visuelle, intérêt visuel pour la nouveauté atténué. Chez les adultes, le chlordécone est associé à un nombre accru de tentatives de suicides et de cas de Parkinson. Environ 80 000 Guadeloupéens seraient concernés par cette pollution, et des pays dans le monde utilisent toujours cet insecticide.